La psychologie du bonheur (Csikszentmihalyi, 1990, 2004)

 juin 2006
par  Jean Heutte
popularité : 6%

« Ce livre [1] présente à un public cultivé quelques décennies de recherches sur les aspects positifs de l’expérience humaine : la joie, la créativité et le processus d’engagement total face à la vie que j’appelle expérience optimale. » (p. 11)
Hongrois d’origine, Mihaly Csikszentmihaly [2] est avec Martin Seligman, l’un des principaux protagonistes de la psychologie positive.

Dès le premier chapitre, Csikszentmihalyi livre les fondements de l’idée centrale qui sous-tend son ouvrage : « Le bonheur est une condition qui doit être préparée, cultivée et protégée [...] Les gens qui apprennent à maîtriser leur expérience intérieure deviendront capables de déterminer la qualité de leur vie et de s’approcher aussi près que possible de ce qu’on appelle être heureux. » (p. 16) Csikszentmihalyi avance que la joie de vivre d’une personne repose d’abord et avant tout sur sa façon d’interpréter ce qui lui arrive quotidiennement, sur sa capacité d’harmonie intérieure.
Selon Csikszentmihalyi, une vie satisfaisante serait celle où on arrive à multiplier les expériences optimales grâce à la maîtrise de la conscience. L’expérience optimale est décrite comme « une situation dans laquelle l’attention est librement investie en vue de réaliser un but personnel parce qu’il n’y a pas de désordre qui dérange ou menace le soi. » (p. 51) Ses principales caractéristiques sont les suivantes : « une adéquation entre les aptitudes de l’individu et les exigences du défi rencontré, une action dirigée vers un but et encadrée par des règles, une rétroaction permettant de savoir comment progresse la performance, une concentration intense ne laissant place à aucune distraction, une absence de préoccupation à propos du soi et une perception altérée de la durée  ». (p. 79).

L’expérience optimale est une fin en soi ; elle est recherchée pour elle-même et non pour d’autres raisons que l’intense satisfaction qu’elle procure. » (p. 79). Cette expérience optimale est à la portée de chacun dans la vie de tous les jours ; elle n’est pas l’apanage de l’alpiniste de haut niveau ni du navigateur solitaire qui affronte l’océan. Dans son ouvrage, il traite respectivement des activités autotéliques, de la personnalité autotélique, de l’expérience optimale par le corps et par l’esprit. Selon lui, le « terme autotélique vient de deux mots grecs, autos (soi) et telos (but ou fin) ».
Csikszentmihalyi ajoute qu’il faut être averti et déterminé pour y parvenir, car il considère que le chaos (ou entropie psychique) est l’état normal de la conscience.

Expérience optimale et complexité (p71)

Chaque fois qu’une personne éprouve une expérience optimale elle s’enrichit, il lui en reste quelque chose : des souvenirs agréables, la certitude d’avoir appris quelque chose qui pourra lui servir plus tard, la fierté d’avoir atteint des objectifs, etc. Cet enrichissement est appelé complexification par l’auteur : la personnalité qui s’enrichit lors d’une expérience optimale devient plus complexe. Et en devenant plus complexe elle prend confiance en elle-même, elle acquiert plus d’estime de soi.

Complexité et croissance de soi (p71)

« L’expérience optimale rend le soi plus complexe, et c’est alors qu’il se développe. La complexité résulte de deux processus psychiques : la différenciation, qui implique un mouvement vers l’unicité en se distinguant d’autrui, et l’intégration, son opposé, qui implique l’union à d’autres gens, à d’autres idées et à d’autres entités au-delà du soi. Un soi complexe réussit à combiner ces deux tendances opposées.

- La différentiation s’explique par le succès dans l’affrontement des défis, ce qui rend la personne plus capable, plus efficace, plus habile et unique.

- L’intégration permet l’harmonieux ajustement des parties, antécédent et conséquence des grandes réalisations. Dans l’expérience optimale, l’individu devient plus complexe, il se sent donc unique et en même temps « plus ensemble non seulement intérieurement, mais aussi dans ses rapports avec les autres. »

La perte de conscience de soi (p101)

« L’absence de préoccupation à propos du soi permet d’élargir le concept de qui nous sommes, d’atteindre une certaine transcendance de soi, bref, de repousser les frontières de notre être. »


Sources :
- Csikszentmihalyi, Mihaly. 2004. Vivre : la psychologie du bonheur, Paris, Éditions Robert Laffont
- Csikszentmihalyi, Mihaly. 1990. Flow : the psychology of optimal experience. Harper & Row. New York, New York, USA


[1] traduction française, en 2004, de "Flow : the psychology of optimal experience", paru en 1990.

[2] prononcer « chic-sainte-mihal »