La réattribution (Barbeau, Montigni, Roy)

 octobre 2004
par  Jean Heutte
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Comment favoriser un meilleur contrôle de la réalité scolaire ?

Les programmes d’intervention qui ont pour objectif d’amener les élèves à réattribuer les causes des événements qu’ils vivent et, par conséquent, à avoir un meilleur contrôle de la réalité scolaire sont courants dans la littérature actuelle. Nous ne rapportons ici que les conclusions d’auteurs ayant travaillé à ce type de programmes dans un contexte scolaire. Ces programmes sont couramment nommés " programmes de réattribution ".

La réattribution : définition et considérations générales

Qu’est-ce que la réattribution ? La réattribution consiste à modifier les causes qu’on attribue à une situation afin d’avoir un meilleur contrôle de la situation. Les techniques de réattribution en contexte scolaire incluent, selon Thomas (1989), le modeling, l’enseignement direct d’un dialogue intérieur " self-talk " (se parler à soi-même) et la pratique de tâches difficiles ou comprenant une part de défi. Selon cette auteure, le professeur qui veut procéder à un programme de réattribution avec des élèves doit tenir compte que pour être efficace, un tel programme doit s’effectuer à long terme et doit se dérouler en trois étapes. Dans une première étape, le professeur aide l’élève à devenir conscient de son dialogue intérieur et à procéder à son modelage durant une tâche de résolution de problème, et ceci, dans le but de lui enseigner ce que sont des attributions positives et négatives. Dans une deuxième étape, l’élève pratique l’utilisation d’énoncés de maîtrise (" mastery statement ") incluant l’effort et l’auto-encouragement (il se dit, par exemple, que pour réussir un examen, il doit investir des efforts, etc.). Dans une troisième étape, l’élève étend la pratique à des domaines et à des sujets où de nouveaux concepts et de nouvelles habiletés sont impliqués.

La réattribution et la performance scolaire

La réattribution a-t-elle un effet appréciable sur la performance scolaire des élèves qui en bénéficient ? Des chercheurs (Brewin et Shapiro, 1985 ; Den Boer et al., 1989) ont étudié la relation entre les attributions des élèves pour un échec dans une tâche et leur performance subséquente dans une seconde tâche, cette dernière étant précédée d’une réattribution des conséquences négatives. Les résultats de Brewin et Shapiro indiquent que la réattribution en tant que technique d’intervention n’a pas simplement un effet général sur tous les sujets, mais elle modifie effectivement les cognitions cibles et elle a un effet positif sur les sujets qui croient que leur performance est faible ou pourrait être améliorée, peu importe si leur performance est objectivement plus faible. Également, Den Boer, Meertens, Kok et Knippenberg ont remarqué que les sujets qui attribuent leur faible performance à la difficulté de la tâche (cause externe et stable) réussissent mieux, subséquemment, que les sujets qui attribuent leur échec à d’autres causes et que plus les sujets attribuent leur première performance à la chance (cause externe et modifiable) et plus leur seconde performance se détériore. La réattribution est donc fonction des premières attributions des sujets et l’intervenant doit tenir compte de cette information pour maximiser son efficacité.

La réattribution doit-elle se faire sur une base personnelle ?

La réattribution doit-elle se faire sur une base personnelle pour créer des changements comportementaux ? Une intervention attributionnelle a été tentée par Wilson et Linville (1982) dans le but d’aider les nouveaux arrivants au collège qui étaient inquiets de leur performance scolaire. Les responsables du programme ont informé les élèves qu’en moyenne, les notes des élèves du collégial tendent à augmenter avec les années. De plus, on leur a présenté des entrevues filmées où des élèves des classes les plus avancées affirment que leur moyenne générale s’est améliorée depuis leur première année au collège. L’effet de cette information sur les élèves fut significatif. Les sujets qui ont reçu cette information, comparés aux élèves qui ne l’ont pas reçue, ont été significativement moins portés à quitter le collège après un an, leur moyenne générale a augmenté significativement après un an et ils ont affiché une performance significativement meilleure aux examens terminaux.

Jesse et Gregory (1986-1987), dans une recherche menée auprès d’élèves de première année de " college ", répondent affirmativement à cette question. Les sujets qui ont reçu de l’information réattributionnelle (information visant à encourager les élèves à attribuer leurs performances scolaires à l’effort) ainsi que les sujets auxquels on a fait imaginer des scénarios d’accomplissement (scénarios visant à favoriser la poursuite de comportements bénéfiques au point de vue scolaire et une augmentation de la performance) subissent une baisse de leurs résultats scolaires subséquents. Cependant, les élèves qui ont reçu de l’information à l’effet qu’il est normal d’éprouver des difficultés durant la première année ont maintenu des notes stables. Les auteurs expliquent l’absence d’effet de la réattribution par le traitement impersonnel : les élèves n’étaient pas invités à faire l’analyse attributionnelle des événements qui leur arrivaient, mais simplement à lire deux histoires de cas où d’autres individus attribuaient l’échec au manque d’effort. Encore une fois, des précautions doivent être prises pour maximiser l’efficacité des techniques de réattribution.

La réattribution n’est pas l’unique moyen d’influencer le type d’attributions faites par les élèves et le développement de styles motivationnels adaptés. Thomas (1989) affirme que 1) la façon dont le professeur introduit la tâche (le professeur doit lier la tâche aux intérêts personnels des élèves, il doit refléter un certain plaisir à démontrer le concept ou l’habileté à maîtriser plutôt que promettre une récompense, il doit se centrer sur l’aspect instrumental de la tâche ou prévenir les élèves d’un échec futur dans leur vie s’ils ne maîtrisent pas la tâche) et 2) l’organisation de la classe d’une manière coopérative plutôt que compétitive sont deux moyens d’influencer positivement le type d’attributions des élèves et leur style motivationnel. La réattribution demeure toutefois un moyen privilégié pour obtenir des modifications comportementales efficaces et durables chez les élèves.


sources : Tracer les chemins de la connaissance

- Denise Barbeau, Professeure - Cégep de Bois-de-Boulogne
- Angelo Montini, Professeur - Cégep Montmorency
- Claude Roy, Professeur - Cégep André-Laurendeau http://www.cdc.qc.ca/Pages/Tracerle...