Auto-efficacité : le sentiment d’efficacité personnelle (Bandura, 1977, 1997, 2003)

 octobre 2004
par  Jean Heutte
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Article mis à jour le 19 mars 2011



La théorie de l’auto-efficacité de Bandura (1977, 1997, 2003) entre dans le cadre théorique plus large de la théorie sociale cognitive (Bandura, 1986), dénommée ci-après TSC. La TSC stipule que « le fonctionnement humain est le produit d’une interaction dynamique et permanente entre des cognitions, des comportements et des circonstances environnementales. Dans ce modèle de ‘‘causalité triadique réciproque’’ (Figure 11, p. 89), nous sommes à la fois les producteurs et les produits de nos conditions d’existence » (Carré, 2003, préface in Bandura, 2003, p. IV).

En 1986,  il expose ainsi son modèle  de « causalité triadique réciproque » :

  • le comportement (C) et les facteurs personnels internes (P) sous forme d’événements cognitifs, émotionnels et biologiques (E) interagissent ensemble de façon réciproque et s’influencent mutuellement ;

  • le comportement (C) et l’environnement (E) interagissent ensemble de façon réciproque et s’influencent mutuellement ;

  • les facteurs personnels internes sous forme d’événements cognitifs, émotionnels et biologiques (E) et l’environnement (E) interagissent ensemble de façon réciproque et s’influencent mutuellement.





La TSC s’inscrit donc dans les théories du self (du « soi »), dans la mesure où, comme l’écrit Bandura (1999, cité par Carré 2003, p72) : « Les processus du soi commencent à traverser des domaines divers de la psychologie, car la plupart des influences externes affectent le fonctionnement humain à travers des processus intermédiaires du soi et non directement. Le système de soi est donc au cœur même des processus de causalité.  Pour citer quelques exemples, ces facteurs personnels sont très largement impliqués dans la régulation des processus attentionnels, le traitement schématique de l’expérience, la reconstruction et la représentation en mémoire, la motivation d’origine cognitive, l’activation de l’émotion, le fonctionnement psychobiologique et l’efficacité avec laquelle les compétences cognitives et comportementales sont mises en jeu dans les transactions quotidiennes. »

En ce sens, la TSC s’inscrit dans une perspective de l’interaction (emergent interactive agency) par opposition à des paradigmes de l’action autonome ou de la réactivité mécanique.

Figure 11
Modèle de causalité triadique réciproque (Bandura, 1986)

Description : triade_Bandura_fig_1



L’agentivité

Selon Bandura (2001), « l'être humain n'est pas simplement l'hôte et spectateur de mécanismes internes orchestrés par des événements du monde extérieur. Il est l'agent plutôt que le simple exécutant de l'expérience. Les systèmes sensoriels, moteurs et cérébraux constituent les outils auxquels les personnes ont recours pour réaliser les tâches et atteindre les buts qui donnent sens, direction et  satisfaction à leur vie »[1].  Ainsi l’agentivité serait :

  • la « capacité d’intervention sur les autres et le monde » (Nagels, 2008, p. 6) ;

  • le fait d’exercer une influence personnelle sur son propre fonctionnement et sur son environnement (Bandura, 1986) ;

  • la « puissance personnelle d’agir », selon Ricœur (2000) ;

  • le « pouvoir personnel et collectif d'agir » selon Nagels, 2005, p. 2).



L'auto-efficacité

La TSC fournit un cadre théorique pour l'étude de l'auto-efficacité. Selon cette théorie, le sentiment d'auto-efficacité constitue la croyance que possède un individu en sa capacité de produire ou non une tâche (Bandura, 1982, 1993). Plus grand est le sentiment d'auto-efficacité, plus élevés sont les objectifs que s'impose la personne et l'engagement dans leur poursuite (Bandura, 1982, 1993).

Selon Carré (2003, préface in Bandura, 2003, p. IV), « d’après Bandura, le système de croyances qui forme le sentiment d’efficacité personnelle est le fondement de la motivation et de l’action, et partant, des réalisations et du bien-être humains. Comme il l’indique régulièrement, avec une clarté et une force de conviction rares, « si les gens ne croient pas qu’ils peuvent obtenir les résultats qu’ils désirent grâce à leurs actes, ils ont bien peu de raisons d’agir ou de persévérer face aux difficultés » »

Les croyances d’auto-efficacité des élèves sont positivement associées à l’acquisition directe des apprentissages et à la réussite scolaire (Bandura, 1993 ; Eccles, 1983 ; Leroy, 2009 ; Pintrich & De Groot, 1990), mais également via la préférence pour des tâches présentant un certain niveau de nouveauté. « Ainsi, plus l’élève aura confiance en sa capacité à exécuter les tâches scolaires, plus il s’orientera vers des activités qu’il perçoit comme des défis personnels. On voit en cela que les élèves possédant de fortes perceptions d’efficacité n’hésitent pas à exprimer des aspirations surpassant leur niveau actuel de réussite et se disent prêts à faire des efforts pour dépasser leurs performances habituelles (Bandura, 2007). Cette vision optimiste quant aux capacités scolaires s’avère ainsi une condition nécessaire à l’utilisation de stratégies d’apprentissage considérées comme adaptatives en contexte scolaire. » (Leroy, 2009, p. 158).

Le sentiment d'auto-efficacité est un construit multifactoriel (Bandura, 1977, 1997). Bandura établit une distinction entre les résultats tangibles et les attentes d'efficacité, de telle sorte que les gens peuvent croire que certaines actions vont produire certains résultats (attentes de résultats), mais s'ils ne se sentent pas capables d'exécuter ces actions, ils ne pourront ni les initier ni persister à les accomplir (attentes d'efficacité).

Paraphrasant les propos de Bandura (1986, cité par François & Botteman, 2002, p. 522), nous sommes tentés de dire que l’auto-efficacité (personnelle comme collective) renvoie aux jugements que les personnes font à propos de leur(s) capacité(s), personnelle(s) comme collective, à organiser et réaliser des ensembles d’actions requis pour atteindre des types de performances attendus[2], mais aussi aux croyances à propos de leurs capacités à mobiliser la motivation, les ressources cognitives et les comportements nécessaires pour exercer un contrôle sur les événements de la vie (Wood & Bandura, 1989). Ces croyances constituent le mécanisme le plus central et le plus général de l’agentivité (François & Botteman, 2002)

Selon Fontayne (2007, p. 103), le sentiment de contrôle que les personnes développent à propos des évènements qui jalonnent leur vie est en grande partie influencé par leur perception d’efficacité. Les croyances d’efficacité se construisent à travers différents processus cognitifs individuels qui exercent une influence unique sur le sujet (e.g., les expériences de maîtrise, les expériences vicariantes, les persuasions sociales, les états physiologiques et émotionnels ; Bandura, 1997).



[1] Adaptation par S. Brewer et P. Carré de l’article : Social cognitive theory : An agentic perspective, Annual Review of Psychology, 2001. 52 : 1-26, publiée dans (Carré & Fenouillet, 2008)

[2] Initialement, François et Botteman présentaient cette définition pour le sentiment d’efficacité personnelle, pour laquelle « leur capacité » est au singulier. : Le SEP renvoie « aux jugements que les personnes font à propos de leur capacité à organiser et réaliser des ensembles d’actions requises pour atteindre des types de performances attendus ».




Source :
Heutte, J. (2011). La part du collectif dans la motivation et son impact sur le bien-être comme médiateur de la réussite des étudiants  : Complémentarités et contributions entre l’autodétermination, l’auto-efficacité et l’autotélisme (Thèse de doctorat en Sciences de l’Éducation). Paris Ouest-Nanterre-La Défense téléchargeable ici

=== L’article initial rédigé en 2004 reste accessible ici