Dix constats clés de la recherche cognitive sur l’apprentissage (Schneider & Stern, 2010)

mercredi 1er mai 2013
par  Jean Heutte
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La recherche cognitive sur l’apprentissage englobe différentes disciplines. Elle est en outre très diverse du point de vue méthodologique. C’est pourquoi il nous est impossible de présenter ici une analyse exhaustive de tous les résultats. Nous nous bornerons donc à présenter dix constats clés dignes d’intérêt pour tous ceux qui veulent comprendre les mécanismes de l’apprentissage et améliorer celui-ci. Ces dix observations sont représentatives des questions types que se posent les chercheurs dans ce domaine et viennent chacune éclairer un des aspects de la stratégie que l’apprenant doit mettre en œuvre pour structurer correctement ses savoirs.

1. L’apprentissage est une activité exercée par l’apprenant L’enseignant ne peut pas intervenir dans le cerveau de ses élèves pour y insérer de nouveaux éléments de savoir. Les connaissances que chacun possède ne sont accessibles qu’à lui seul. C’est donc l’apprenant qui doit créer lui-même de nouvelles structures de connaissance. Ce constat peut paraître évident, mais il a de profondes implications. Il signifie en effet que l’apprenant est placé au centre du dispositif. Certes, l’enseignant possède plus de connaissances, dispose d’un plus grand nombre de ressources, a plus d’expérience, prépare ses cours, fournit des documents, met en œuvre des méthodes pédagogiques, etc., ce qui peut donner l’impression que c’est son activité qui détermine les apprentissages. Et en effet, ses actions ont une influence majeure sur la qualité de l’enseignement. Mais l’apprentissage (objectif principal des environnements pédagogiques) se produit dans la tête de l’élève et exige de lui d’être actif mentalement. L’exemple donné en introduction illustre bien ce phénomène : l’enseignant avait apporté à ses élèves des informations détaillées et scientifiquement correctes, mais ce que ces derniers avaient retenu était sensiblement différent de ce qu’il avait expliqué en classe.

Dès lors, l’enseignant ne doit pas se contenter de bonnes connaissances pédagogiques et de bonnes connaissances du contenu de la discipline qu’il enseigne, mais il doit aussi avoir une bonne connaissance du contenu pédagogique, c’est-à-dire comprendre comment les apprenants construisent leurs savoirs dans un domaine donné (Schulman, 1987). La connaissance du contenu pédagogique permet d’appréhender les difficultés fréquentes des élèves dans un domaine et les moyens de les surmonter. Les méthodes pédagogiques ne doivent pas être envisagées comme une fin en soi, mais comme un moyen de stimuler chez l’apprenant les processus de construction des connaissances idiosyncratiques. En conséquence, les futurs enseignants doivent être formés à employer les méthodes pédagogiques avec souplesse et à les adapter aux besoins des apprenants tout en respectant les exigences de contenu.

2. L’apprentissage optimal tient compte des acquis

L’enseignant ne peut aider ses élèves que s’il connaît leurs acquis. En effet, pour comprendre des informations nouvelles, l’être humain s’efforce de les mettre en lien avec ses connaissances antérieures. Ce que les élèves ont déjà acquis a donc une incidence sensible sur les processus d’apprentissage.

Dans l’exemple donné en introduction, l’enseignant n’a pas tenu compte des connaissances de ses élèves. En primaire, les élèves ont déjà eu maintes occasions de constater que le sol sur lequel ils marchent est plat et que les objets placés sur la partie inférieure d’un globe tombent. Lorsqu’un instituteur leur explique que la Terre est ronde, cette information entre en conflit avec ce qu’ils savent déjà. Et lorsque les enfants tentent d’intégrer cette information nouvelle à leurs connaissances antérieures, ils aboutissent à une conception tout à fait nouvelle de la Terre. Pour éviter ce type d’écueil, l’enseignant doit tenir compte des connaissances antérieures des élèves et montrer leurs liens avec les informations nouvelles.

Ce processus consistant à donner du sens à une information nouvelle en l’interprétant à la lumière des acquis ne se limite pas aux enfants du primaire. C’est en fait le propre de la pensée humaine. Même les nouveau-nés ont des connaissances implicites rudimentaires ; ces connaissances de base expliquent qu’ils ont une connaissance intuitive des propriétés élémentaires du monde et les aident à structurer le flot de perceptions auxquelles ils sont confrontés chaque jour. D’autres études portant sur des adolescents et des adultes montrent que les acquis dans un domaine spécifique constituent un des déterminants majeurs des apprentissages futurs (Schneider, Grabnere et Paetsch, sous presse). Les connaissances acquises dans une discipline sont même un meilleur prédicteur des futures compétences dans cette discipline que l’intelligence (Stern, 2001). L’importance des connaissances antérieures ne se limite pas à des contenus spécifiques. En effet, l’apprentissage dans des domaines formels, par exemple les mathématiques ou le jeu d’échecs, est lui aussi largement tributaire des connaissances antérieures (Grabner, Stern, et Neubauer, 2007 ; Vosniadou et Verschaffel, 2004). Plusieurs études mettent en évidence les interactions entre les connaissances antérieures des élèves et les processus d’apprentissage dans différentes disciplines, notamment la physique, l’astronomie, la biologie, la science de l’évolution, la médecine et l’histoire (Vosniadou, 2008).

Les élèves ont des connaissances qu’ils se sont forgées dans divers contextes formels et informels, à travers leurs observations quotidiennes, les médias, pendant leurs activités de loisir, avec leurs amis ou leur famille, et à l’école. Ils ont des parents différents, utilisent des médias différents, ont des intérêts différents. Les élèves d’une même classe peuvent donc posséder des acquis extrêmement différents. Dès lors, l’enseignant doit adapter sa pédagogie non seulement au niveau de compétence de la classe mais aussi aux acquis de chacun. Les connaissances des élèves évoluant sans cesse, l’enseignant doit en permanence les évaluer en cours de leçon. Cette approche diffère sensiblement de la pratique traditionnelle qui consiste d’abord à présenter un sujet puis à évaluer les connaissances par un contrôle final (Pellegrino, Chudowsky et Glaser, 2001).

Des chercheurs en sciences de l’éducation ont élaboré un certain nombre d’outils et de techniques destinés à évaluer les connaissances en cours d’apprentissage (« évaluation formative », voir par exemple Angelo et Cross, 1993 ; Wiliam, dans ce volume). Tous les enseignants doivent avoir une connaissance fonctionnelle des méthodes de diagnostic adaptées à leur discipline en fonction du groupe d’âge concerné. Il est également important de considérer les erreurs comme le signe d’une construction en cours des savoirs et d’en analyser les processus (Stigler et Hiebert, 1999).

3. L’apprentissage requiert l’intégration des structures de connaissances

Un autre problème se pose eu égard à la grande diversité des sources du savoir : les apprenants ne discernent pas toujours les relations abstraites entre des éléments de connaissance acquis dans des situations en apparence différentes (diSessa, 1988). Par exemple, lorsque les enfants entendent que la Terre est ronde mais ne comprennent pas quel peut être le lien avec ce qu’ils savent déjà, ils peuvent parfaitement imaginer qu’il existe deux terres, une plate sur laquelle ils marchent et une autre ronde dans le ciel au-dessus de leur tête (Vosniadou et Brewer, 1992). Ce phénomène a également été observé avec d’autres groupes d’âge dans d’autres disciplines. Lorsque les enfants ont des conceptions erronées dans un domaine et que le concept juste leur est enseigné sans qu’aucun lien ne soit établi avec ce qu’ils connaissent déjà, ils peuvent retenir simultanément le vrai comme le faux sans même y voir une contradiction. Ils invoquent alors l’un ou l’autre concept en fonction de la situation rencontrée, selon qu’ils discutent avec leurs amis ou qu’ils effectuent un contrôle en classe (Taber, 2001).

On observe une forme atténuée de ce phénomène chez un individu qui détient plusieurs éléments de savoir corrects sans être capable de les relier entre eux de manière abstraite. Par exemple, salir ses vêtements puis les laver restaure leur état d’origine. On peut résoudre l’opération 5+3–3 sans calcul en affirmant simplement que la réponse est 5. Si l’on prend trois biscuits dans une boîte et que l’on en remet trois un peu plus tard, on retrouve le nombre initial de biscuits. Si b–b=0, alors a+b–b=a. La plupart des adultes établissent rapidement un lien entre ces différentes affirmations : elles décrivent toutes une relation inverse entre deux opérations. Toutefois, les études empiriques montrent qu’il n’en va pas de même chez les enfants (Schneider et Stern, 2009). Les vêtements sales, les calculs numériques, les biscuits et les équations algébriques appartiennent tous à des mondes différents de la vie des apprenants et correspondent en général à des sphères de pensée différentes.

L’enseignant ne doit pas perdre de vue qu’un même contenu peut lui sembler parfaitement cohérent et organisé alors que ses élèves le trouveront fragmentaire et désordonné. Amener ces derniers à adopter progressivement la perspective de l’expert en ajoutant petit à petit des éléments de savoir est l’un des principaux objectifs de l’enseignement (Linn, 2006). Toutes les pratiques pédagogiques centrées sur les relations abstraites visent à atteindre cet objectif. Par exemple, les schémas permettent de visualiser les liens entre différents concepts ; les élèves découvrent souvent ces relations abstraites en comparant les similitudes et les différences entre des exemples apparemment différents d’une même idée abstraite.

On peut faciliter l’intégration de connaissances entre domaines par des projets transversaux qui permettront aux apprenants d’analyser un même phénomène (la forme de la Terre par exemple) sous l’angle de différentes disciplines (mathématiques, physique, géographie, histoire). De même, et c’est sans doute encore plus important, l’enseignant doit orienter les apprenants vers la multitude de petits liens qui existent entre les différentes matières étudiées en classe. Le raisonnement proportionnel (variable égale au quotient de deux autres variables), l’utilisation des systèmes symboliques (schémas ou formules, par exemple), l’utilité et les limites de l’ordinateur, l’interprétation de données empiriques, les différences entre le raisonnement scientifique et la réflexion au quotidien, les moyens de contribuer activement à une discussion ne sont que quelques exemples des multiples thèmes pertinents pour de nombreuses disciplines, qui peuvent être utilisés pour intégrer les structures de connaissances par-delà les limites des disciplines. Enfin, une bonne communication sur les contenus au sein de l’équipe pédagogique est une condition préalable à l’intégration des connaissances transdisciplinaires.

4. L’apprentissage optimal est l’acquisition équilibrée de concepts, d’habiletés et d’une compétence métacognitive

Il est important d’établir des liens entre les concepts et les procédures pour favoriser l’intégration des structures de connaissances. Les concepts sont des énoncés généraux et abstraits de principes dans un domaine particulier. Par exemple, les apprenants qui possèdent de bonnes connaissances conceptuelles en algèbre comprennent parfaitement que a+b est égal à b+a (« principe de commutativité ») ; en physique ils comprennent que la densité est égale à la masse par unité de volume et quelles en sont les implications – par exemple, les objets plongés dans un liquide flottent ou coulent. Les procédures sont des règles destinées à préciser comment résoudre les problèmes ; elles diffèrent en cela des concepts. On peut les comparer à des recettes qui précisent les étapes concrètes à suivre pour arriver au but. Le choix des bonnes procédures peut, par exemple, aider les élèves à résoudre une équation du quatrième degré ou à construire une maquette de bateau capable de flotter sur l’eau.

Les philosophes et les éducateurs ont par le passé débattu de l’importance relative des concepts et des procédures (Star, 2005). Certains soutenaient que seules les procédures pouvaient nous aider à résoudre les problèmes de la vie quotidienne, et donc qu’apprendre à utiliser efficacement ces procédures devait constituer l’activité maîtresse de l’apprentissage, les concepts étant de bien peu d’utilité. D’autres répondaient que cette expertise de routine était trop limitée et trop fragile pour permettre de résoudre les problèmes dynamiques complexes du monde réel, déclarant que l’éducation devait s’orienter d’abord vers l’enseignement de concepts, l’hypothèse étant qu’un individu qui maîtrise parfaitement les concepts sous-jacents au problème peut facilement élaborer une solution si nécessaire. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à penser que les concepts et les procédures sont tous deux des éléments importants de la compétence (Siegler, 2003). Des procédures bien maîtrisées aident les apprenants à résoudre efficacement les problèmes de routine en engageant un minimum de ressources cognitives. Les ressources ainsi libérées peuvent alors être utilisées pour résoudre de nouveaux problèmes, plus complexes, grâce à une compréhension plus approfondie des concepts.

Cependant, les élèves ne peuvent pas se contenter de concepts et de procédures. Ils ont également besoin de comprendre comment ils s’articulent entre eux (Baroody, 2003 ; Rittle-Johnson, Siegler et Alibali, 2001). Par exemple, la construction d’une maquette de bateau à partir de matériaux récupérés chez soi permet de mieux appréhender le concept de flottabilité et le rapport entre flottabilité et densité d’un objet. En effet, un problème pratique offre de nombreuses occasions de tester les différentes implications d’un concept donné et d’établir une relation entre une idée abstraite et une expérience concrète. D’autre part, l’acquisition de concepts abstraits aide les apprenants à comprendre pourquoi leurs procédures fonctionnent, dans quelles conditions et comment les adapter à un nouveau type de problèmes.

Dans l’exemple proposé en introduction, l’enseignant n’avait pas la tâche facile car la forme de la Terre est un sujet d’étude qui sollicite de nombreux concepts, mais ne présente qu’un petit nombre de procédures susceptibles d’aider les apprenants à étudier leur sens concret et à les mettre en pratique. Dans un cas comme celui-ci, une solution possible est d’utiliser des modèles physiques, par exemple un globe.

Il est possible d’améliorer encore le renforcement mutuel des concepts et des procédures en invitant l’apprenant à réfléchir aux processus d’acquisition des connaissances qu’il met en œuvre. C’est ce qu’il est convenu d’appeler la « métacognition », c’est-à-dire la connaissance que l’apprenant a de ses propres processus cognitifs (Hartman, 2001). La métacognition aide l’apprenant à activement contrôler, évaluer et optimiser l’acquisition et l’utilisation des savoirs ; sans métacognition, il est incapable de déceler les incohérences dans le socle de ses connaissances. Cela étant, la métacognition n’est pas une fin en soi mais un moyen d’acquérir des connaissances. Ainsi, la métacognition et l’acquisition de connaissances dans des domaines concrets sont étroitement imbriquées et ne peuvent pas être enseignées ni apprises séparément.

5. L’apprentissage optimal développe des structures complexes de connaissances en hiérarchisant les éléments de savoirs

La structure des connaissances d’individus très compétents dans un domaine donné peut être très différente en fonction des préférences de chacun et de leur passé d’apprenant. Toutes les personnes compétentes ont néanmoins un point commun : leurs savoirs sont structurés de manière hiérarchisée. Cela se vérifie dans le champ de la perception, du traitement du langage, des concepts abstraits et des procédures de résolution de problèmes. Ctte phasre a un snes pour vous, mêem si les lretets sont mégéeslan, car on n’encode pas les lettres indépendamment les unes des autres. Au contraire, on utilise des représentations cognitives hiérarchisées, les lettres figurant en bas de la hiérarchie et les mots en haut. Ainsi, la connaissance des lettres aide à reconnaître des mots et la connaissance de mots aide à reconnaître les lettres. Grâce à ce support mutuel, des connaissances intactes à un niveau permettent de corriger les informations erronées ou incomplètes situées sur l’autre niveau.

Il en va de même pour les connaissances taxonomiques (Murphy et Lassaline, 1997) et les concepts plus complexes (Chi, Slotta et Leeuw, 1994). Supposons qu’un sujet n’ait aucune connaissance préalable de ce qu’est le chardonneret jaune. Lorsqu’il apprend que c’est un oiseau, il a immédiatement de nombreuses connaissances à son sujet. Les oiseaux pondent des œufs, donc le chardonneret jaune pond des œufs. Les oiseaux appartiennent à la catégorie superordonnée « animal » et les animaux respirent, donc le chardonneret jaune respire. Les oiseaux se différencient des mammifères, donc le chardonneret jaune n’allaite pas ses petits.

L’organisation hiérarchique des connaissances joue aussi un rôle important pour les procédures. Par exemple, dessiner le plan d’une maison est un problème complexe qui comporte plusieurs sous-problèmes. Le néophyte se perd facilement au milieu d’une telle complexité. Au contraire, l’expert est capable de décomposer cette tâche complexe en une multitude de sous-tâches plus faciles à maîtriser (par exemple, d’abord calculer la position et la forme des murs extérieurs, puis des cloisons intérieures à chaque étage). Au cours de l’étape suivante, il définira des tâches encore plus étroites et encore plus faciles à gérer (dessiner l’escalier et les sanitaires, et agencer ensuite les différentes pièces par exemple), etc. Il identifie ainsi un grand nombre de petits problèmes faciles à résoudre. La littérature décrit ce processus comme étant une « décomposition des tâches (ou objectifs) ». Nombre d’études empiriques et de simulations par ordinateur montrent l’ubiquité et la puissance de cette stratégie de résolution des problèmes (voir par exemple Ritter, Anderson, Koedinger et Corbett, 2007).

6. L’apprentissage peut s’appuyer sur les structures du monde extérieur aux fins de structuration mentale des connaissances

L’enseignant est censé veiller à ce que les élèves acquièrent des structures de connaissances riches, équilibrées et bien organisées, mais il ne peut pas les faire entrer de force dans leur tête. Que peut-il donc faire ?Il peut créer les conditions les plus favorables possibles par une bonne structuration des environnements d’apprentissage (Vosniadou, Ioannides, Dimitrakopoulou et Papademetriou, 2001). Cette stratégie s’avère efficace car des informations structurées dans l’environnement physique et social des apprenants facilitent la structuration mentale des informations. Divers moyens existent pour structurer les environnements d’apprentissage à de multiples niveaux, par exemple : organisation temporelle du curriculum, ordre des idées ou tâches présentées aux élèves pendant le cours, sommaire d’un livre, structures sociales informelles d’un groupe d’élèves qui travaillent ensemble, conception des fiches de travail, termes techniques, formules, schémas et formulations particulières dans le discours de l’enseignant. Analysons de plus près les plus importants.

L’enseignant ne peut concevoir des environnements d’apprentissage structurés que dans la mesure où il connaît la structure de la discipline qu’il enseigne, la structure des connaissances antérieures des apprenants, et les structures de connaissances que les apprenants sont supposés élaborer en cours. Cette démarche se heurte souvent au fait que les curriculums sont présentés sous la forme d’une liste ou d’un tableau destiné à préciser le contenu à enseigner dans telle ou telle classe, ce qui peut amener l’enseignant à réfléchir de manière linéaire et uniquement en termes de séquences de contenus ou de méthodes pédagogiques. Cette approche pourrait certes sembler appropriée en soi, mais elle doit être complétée par une seconde perspective : l’enseignant doit bien connaître la structure hiérarchique des savoirs qu’il s’efforce de transmettre (voir constat5).

Le langage est un des outils les plus puissants de structuration des connaissances dans un environnement d’apprentissage. Les constructions grammaticales permettent de faire ressortir les relations entre les concepts et les procédures (Gentner et Loewenstein, 2002 ; Loewenstein et Gentner, 2005). L’enseignant peut soigneusement choisir ses mots pour souligner la contradiction entre deux éléments de savoir (par exemple, « alors que… »), pour indiquer qu’une idée est l’explication ou la justification d’une autre (« donc »), que deux variables forment un rapport (« par »), etc. L’étiquetage de groupes d’objets permet de mettre en évidence leurs caractéristiques communes au sein d’un même groupe et leurs différences entre les groupes (Lupyan, Rakison et McClelland, 2007). Dans la vie quotidienne par exemple, les gens parlent souvent du « soleil et des étoiles ». Cela peut amener les enfants à penser que le Soleil est fondamentalement différent des étoiles. Lorsque l’enseignant nomme « étoile » le Soleil, il aide les enfants à faire la synthèse de leurs connaissances sur les étoiles et le Soleil. La deuxième fonction du langage est de structurer le discours en classe.

Il est important que les apprenants discutent entre eux pour échanger des idées et découvrir d’autres points de vue et opinions, ce qui aide l’enseignant à évaluer les connaissances de chacun. Il ne faut pas oublier toutefois que le discours sert un objectif précis dans le cadre du cours : en posant les bonnes questions, en opposant, reformulant ou résumant les positions des apprenants, l’enseignant peut structurer la discussion, s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un simple recueil stérile d’avis différents mais bien d’une construction sociale d’idées nouvelles dans un but d’apprentissage précis (Hardy, Jonen, Möller et Stern, 2006).

Une bonne structuration du temps apporte une autre forme de structure. Un semestre, un thème par semestre, un cours à l’intérieur d’un thème – tout doit être efficacement structuré autour d’une introduction qui présente les orientations et les motivations, d’un développement et d’une synthèse. Cela paraît simple, mais l’enseignant devra consacrer beaucoup de temps à planifier son cours, car il ne peut pas se contenter de concevoir un scénario et s’y tenir. Il doit pouvoir, dans une certaine mesure, improviser pour réagir aux interactions sociales en classe sans toutefois perdre de vue la structure et la ligne directrice du cours. Il doit donc anticiper les éventuelles réactions des apprenants et préparer les réponses adaptées.

La technique peut être d’un grand secours pour structurer les environnements d’apprentissage (Winn, 2002). Les présentations PowerPoint, les films, les enregistrements audio, les expériences pratiques, les programmes informatiques et les pages interactives sur Internet offrent un cadre qui permet de stimuler certains processus de raisonnement tout en en bloquant d’autres. Il est néanmoins important de rappeler que l’équipement technique le plus élaboré ne pourra jamais remplacer l’enseignant ni les interactions en classe, mais seulement les accompagner (Koedinger et Corbett, 2006).

L’enseignant peut se servir de la technique pour encourager certaines activités d’apprentissage. La technologie n’est donc ni bonne ni mauvaise. Elle est improductive lorsqu’on l’exploite comme un moyen en soi, elle est productive lorsqu’elle est habilement utilisée pour favoriser chez les apprenants l’élaboration de structures de connaissances spécifiques (Mayer, dans ce volume). Par exemple, remplacer le monologue de l’enseignant expliquant que la Terre est ronde par des pages Internet dont le contenu est identique offre peu d’intérêt. En revanche, s’appuyer sur une animation interactive sur ordinateur qui montre la Terre sous différents angles peut aider les apprenants à comprendre qu’elle semble très différente selon qu’on y vit ou qu’on l’observe de l’espace à des milliers de kilomètres. Enfin, structurer les différents environnements d’apprentissage impose à l’enseignant, comme aux élèves, de bien connaître le but visé (Borich, 2006).

Que les élèves exécutent des tâches de routine, travaillent sur un projet transdisciplinaire ou regardent un film, ils apprendront bien peu si l’enseignant ne se réfère pas au but recherché pour attirer leur attention sur les aspects pertinents des situations complexes en jeu. Les élèves doivent comprendre les raisons qui se cachent derrière les activités d’apprentissage.

L’humanité a mis des milliers d’années à découvrir certains contenus maintenant enseignés dans le secondaire, par exemple les lois de la mécanique classique, le système de coordonnées cartésiennes ou les mécanismes de la photosynthèse. Ces idées n’ont pas été développées par des individus ordinaires, mais souvent par des génies après des années d’intenses recherches. On ne peut pas demander à des apprenants normaux d’acquérir la plupart de ces concepts dans un contexte d’apprentissage informel ou accessoire, par exemple en visitant un musée ou une usine, en participant à un projet d’intérêt collectif ou pendant leurs activités de loisirs. Ils ont au contraire besoin de possibilités d’apprentissage structurées, élaborées par des professionnels, pour les guider dans la construction de leurs savoirs. Les cadres d’apprentissage informel demeurent néanmoins utiles pour acquérir une compétence d’autorégulation, optimiser la motivation, mettre en pratique des savoirs, etc. D’un point de vue cognitif toutefois, les expériences d’apprentissage informel ne peuvent venir qu’en complément de cadres d’apprentissage plus structurés, plus formels, sans jamais les remplacer.

7. L’apprentissage est tributaire des capacités limitées du système humain de traitement de l’information

L’architecture de la cognition humaine présente certaines caractéristiques fondamentales pertinentes pour la conception de matériels pédagogiques de structure optimale (Sweller, Merrienboer et Paas, 1998). Cette architecture est composée d’une mémoire de travail, dans laquelle s’opère le traitement actif des informations, et d’une mémoire à long terme, qui stocke les informations. La capacité de la mémoire de travail est limitée et les informations qui y sont enregistrées sont rapidement perdues si elles ne sont pas actualisées au bout de quelques secondes. Au contraire, la mémoire à long terme dispose d’une capacité pratiquement illimitée et conserve les informations pendant des jours, voire des années. Les informations nouvelles ne peuvent être enregistrées dans la mémoire à long terme qu’une fois traitées dans la mémoire de travail. Toutefois, la mémoire de travail filtre les informations et ne les transfère pas toutes dans la mémoire à long terme. Seules les informations les plus intéressantes, les plus importantes, les plus récurrentes ont des chances d’être transférées dans la mémoire à long terme. Il appartient à l’enseignant de rendre les informations plus signifiantes et plus importantes aux yeux des apprenants en établissant un lien avec les savoirs déjà acquis et en s’appuyant sur des exemples attrayants qui pourront leur être utiles pour résoudre les problèmes du monde réel.

Du fait de sa capacité limitée, la mémoire de travail est un goulot d’étranglement qui limite le transfert des informations dans la mémoire à long terme. Même si les apprenants construisent des réseaux complexes d’informations dans leur mémoire à long terme, il n’en reste pas moins que leur mémoire de travail ne peut pas traiter simultanément plus de sept éléments d’information environ (Miller, 1956). En conséquence, capter des informations dans l’environnement et les intégrer aux connaissances antérieures enregistrées dans la mémoire à long terme nécessite plusieurs phases courtes de traitement au niveau de la mémoire de travail (Anderson et Schunn, 2000).

L’enseignant peut faciliter ce processus en réduisant la charge inutile dans la mémoire de travail (Mayer, dans ce volume). Pour cela, il peut structurer hiérarchiquement les informations car cela permet aux apprenants d’enregistrer un élément de connaissance superordonné dans leur mémoire de travail, plutôt que plusieurs éléments subordonnés. Par exemple, pour mémoriser le nombre 20012009, certains s’efforcent de retenir les huit chiffres. D’autres sont capables de subsumer ce nombre sous l’étiquette superordonnée « date d’investiture du Président Obama aux États-Unis d’Amérique ». Ils se souviennent de tous les chiffres en mémorisant uniquement cette phrase. C’est ainsi qu’en hiérarchisant les informations, c’est-à-dire en découpant les informations en petites unités (chunking), il est possible de vaincre les limites de la mémoire de travail.

La charge inutile dans la mémoire de travail peut en outre être réduite (Mayer et Moreno, 2003) si les éléments d’information, qui ne peuvent être compris qu’ensemble, sont présentés simultanément. Il est plus facile, par exemple, de comprendre un système précoordonné comprenant plusieurs graphiques linéaires simples si chaque graphique est étiqueté directement que si ces informations sont données dans une légende placée au-dessous. Dans ce dernier cas, les apprenants sont contraints de passer de la figure à la légende et inversement, ce qui surcharge inutilement la mémoire de travail. Pour la même raison, lorsque dans un ouvrage, on présente une formule comportant un grand nombre de symboles nouveaux, ces symboles doivent être explicités à proximité de la formule.

Lorsqu’un texte vient en explication d’une figure complexe, il peut être utile de le présenter oralement pour que les apprenants puissent suivre la figure en écoutant le texte au lieu de faire des allers et retours entre la figure et le texte. Un autre moyen de réduire la surcharge inutile de la mémoire de travail est de simplifier au maximum le matériel pédagogique. Ainsi, lorsqu’il est possible de visualiser une fonction quantitative sur un graphique en deux dimensions, il est inutile de présenter une figure tridimensionnelle en pensant que cela sera plus frappant. De même, un diaporama ne doit pas contenir plus de dessins, d’effets de fondu enchaîné et d’animations que nécessaire pour capter l’attention. Cela s’applique aussi au langage : plus les mots employés pour expliquer des relations complexes sont simples, plus les apprenants comprendront les concepts énoncés rapidement.

Lorsque les élèves apprennent à résoudre un problème en plusieurs étapes (systèmes d’équation par exemple), leur mémoire de travail sature rapidement. En effet, non seulement ils doivent exécuter les tâches concrètes qui leur permettront de résoudre le problème, mais ils doivent aussi dégager le principe abstrait qui sous-tend la solution. Dans ce cas, l’enseignant peut réduire la charge cognitive en présentant des exemples de problèmes résolus. Il invite les apprenants à étudier la solution au lieu de la découvrir eux-mêmes et leur permet ainsi de se concentrer sur la grande idée qui se cache derrière la solution, sans avoir à se préoccuper en même temps des étapes concrètes pour y parvenir (Renkl, 2005).

8. L’apprentissage résulte de l’interaction dynamique des émotions, de la motivation et de la cognition

Aux premiers temps de la recherche en sciences cognitives, les chercheurs pensaient que les processus cognitifs humains étaient comparables au traitement de l’information effectué par un ordinateur. Ils se sont donc peu intéressés aux aspects émotionnels et motivationnels de la cognition humaine. Toutefois, les choses ont considérablement changé depuis les années60. On considère aujourd’hui que la motivation et l’émotion sont des facteurs essentiels de la pensée et de l’apprentissage.

La plupart des néophytes et des enseignants, et peut-être même certains chercheurs, tendent à considérer que la motivation est le moteur de l’apprentissage. Le moteur tourne correctement, il y a apprentissage, il s’arrête, l’apprentissage cesse. Or les études empiriques montrent que ce tableau comporte au moins trois erreurs : premièrement, la motivation évolue de manière progressive et dynamique, elle n’alterne pas entre les modes « marche/arrêt ». Deuxièmement, si la motivation stimule les processus d’apprentissage cognitifs, elle résulte aussi de processus cognitifs tels que la connaissance que l’on acquiert sur ses propres compétences et la réflexion qu’on a sur celles-ci. Troisièmement, cette vision crée une fausse dichotomie entre cognition et motivation. Pour comprendre comment celles-ci s’influencent mutuellement, il convient de les décomposer pour en dégager les différentes composantes. Les buts d’apprentissage et les objectifs personnels des apprenants, la perception qu’ils ont de leurs compétences, les causes éventuelles qu’ils attribuent à leurs succès et à leurs échecs, leurs centres d’intérêt et leurs activités de loisirs sont autant d’éléments qui témoignent de l’interdépendance complexe de la cognition et de la motivation.

C’est pourquoi les environnements d’apprentissage efficaces ne considèrent pas la motivation comme un simple moteur qu’il suffit de faire démarrer pour déclencher l’acquisition de savoirs. Ils traitent au contraire l’acquisition de savoirs et la motivation comme des systèmes à multiples facettes qui interagissent entre eux de manière dynamique, capables de se renforcer ou de s’affaiblir mutuellement de multiples manières.

9. L’apprentissage optimal élabore des structures de connaissances transférables

Même s’ils sont motivés et élaborent des structures de connaissances complexes, les élèves n’acquièrent pas nécessairement des compétences utiles dans leur vie. Les concepts et procédures à mettre en œuvre dans la vie sont infiniment plus nombreux que ceux enseignés en classe. L’enseignant ne sait pas avec certitude quelles sont les connaissances qui leur seront utiles dans leur vie future, car la vie est très diverse et pleine d’incertitudes. La littérature scientifique envisage deux approches pour tenter de résoudre ce problème : entraîner les compétences générales et faciliter le transfert de connaissances.

L’entraînement des compétences générales (intelligence, capacité de la mémoire de travail ou efficacité cérébrale) se fonde sur l’idée que ces compétences permettent de résoudre un très large éventail de problèmes indépendamment du domaine. Il en découle que si l’on dégage du temps sur d’autres matières scolaires pour le réserver à l’entraînement des compétences générales, les apprenants pourront acquérir des compétences transversales. Cette idée séduit beaucoup car elle apparaît comme un moyen efficace d’acquérir une compétence particulière que l’on pourra ensuite pratiquer pour résoudre une infinité de problèmes. Des décennies de recherches intensives ont toutefois montré que cet espoir n’était pas réaliste. Il est extrêmement difficile et coûteux d’entraîner les compétences générales, telles l’intelligence, la marge de progression est faible et les progrès ne sont pas stables dans le temps. Mais surtout, les compétences générales ne sont d’aucune utilité si l’individu ne dispose pas des connaissances nécessaires pour résoudre le problème auquel il est confronté, aussi intelligent soit-il. La plus grande intelligence, la plus grande capacité de mémoire de travail, ou le cerveau le plus efficace ne peut aider à résoudre un problème si l’individu n’a pas de connaissances signifiantes à traiter.

Une autre idée fausse apparentée consiste à penser que l’apprentissage formel, par exemple l’apprentissage du latin ou les exercices de calcul mental aléatoire (généralement appelé « gymnastique cérébrale »), favorise l’apprentissage dans toutes les autres disciplines. Les études empiriques démontrent que tel n’est pas le cas. Le cerveau, pourtant très plastique, ne peut pas être entraîné comme s’il s’agissait d’un simple muscle (Stanford Center on Longevity et Max Planck Institute for Human Development, 2009 ; Chi, Glaser et Farr, 1988). Pour toutes ces raisons, enseigner des compétences générales au détriment des connaissances déclaratives concrètes est une démarche pédagogique inefficace (Stern, 2001).

Une piste plus intéressante pour élargir le champ des compétences consiste à enseigner des savoirs concrets de façon à faciliter leur transfert à des situations nouvelles, à de nouveaux types de problèmes ou à de nouvelles disciplines. Toutefois, cette expertise ne s’acquiert pas d’elle-même. Les praticiens, comme les chercheurs, sont souvent surpris de constater que des apprenants qui ont maîtrisé un problème sont incapables de résoudre un problème fondamentalement identique dès lors que la présentation en est légèrement modifiée (par exemple l’énoncé ou les illustrations) (Greeno et The Middle School Mathematics Through Applications Project Group, 1998). Pourtant, savoir appliquer ses connaissances à des situations nouvelles avec souplesse et adaptabilité est une des plus grandes facultés de l’esprit humain (Barnett et Ceci, 2002).

Les enseignants doivent tout mettre en œuvre pour aider les apprenants à utiliser ce potentiel au maximum (Bereiter, 1997). Pour cela, ces derniers doivent préalablement se concentrer, non sur leurs différences superficielles, mais sur la structure profonde commune aux deux situations-problèmes. C’est à cette condition seulement qu’ils pourront appliquer les connaissances acquises dans une première situation à la résolution d’un problème similaire dans une autre. Pour ce faire, on peut leur signaler que la résolution de deux problèmes similaires nécessite le même type d’action (Chen, 1999), utiliser des schémas permettant de visualiser la structure profonde de différents problèmes (Novick et Hmelo, 1994 ;Stern, Aprea et Ebner, 2003), encourager les comparaisons entre des exemples susceptibles d’éclairer les similitudes ou les différences structurelles (Rittle-Johnson et Star, 2007) et exploiter judicieusement les analogies entre les différents domaines étudiés (Gentner, Loewenstein et Thomson, 2003). L’individu a plus de facilité à transférer des fragments de structures hiérarchiques bien assimilées que des éléments de connaissance isolés (Wagner, 2006). Plus l’apprenant est capable de faire le lien entre les différents contextes éducatifs et le monde extérieur, plus facile sera le transfert.

Les enseignants doivent donc s’appuyer sur des problèmes signifiants du monde réel à chaque fois qu’ils le peuvent (Roth, van Eijck et Hsu, 2008 ;The Cognition and Technology Group at Vanderbilt, 1992). En outre, les parents, les musées, les médias, les programmes éducatifs sur ordinateur, etc., sont autant d’éléments susceptibles de favoriser le transfert de savoirs en illustrant la pertinence des concepts et des approches scientifiques dans leur vie quotidienne (Renkl, 2001 ; Barron et Darling-Hammond, dans ce volume).

10. L’apprentissage demande du temps et des efforts

Développer des structures de connaissances complexes exige un effort prolongé des enseignants, comme des élèves. En conséquence, le temps et les efforts consacrés à la résolution de problèmes et à l’élargissement des connaissances sont un des gages les plus sûrs de succès en matière d’apprentissage (Ericsson, Krampe et Tesch-Römer, 1993).

Certains experts autoproclamés prétendent que les apprenants pourraient devenir compétents sans investir autant de temps ni d’efforts si les cours étaient plus distrayants, plus adaptés aux capacités du cerveau, si on utilisait davantage l’ordinateur ou si on commençait plus tôt dans la vie. Aucune de ces assertions n’est étayée par les résultats des études empiriques. Toutes ces méthodes peuvent, dans une certaine mesure, favoriser l’apprentissage à condition d’être employées à bon escient et au bon moment, mais aucune ne peut remplacer l’acquisition de structures de connaissances complexes, ni même garantir qu’il y aura réellement acquisition de savoirs. Dans la mesure où elles stimulent réellement l’apprentissage, elles demandent autant de temps et sont aussi difficiles à mettre en œuvre que n’importe quelle autre démarche pédagogique (Anderson et Schunn, 2000). L’apprentissage peut et doit rester un plaisir, mais il doit s’apparenter au plaisir que l’on éprouve à gravir une montagne, et non à celui qu’on éprouve en s’asseyant au sommet pour contempler le paysage.

Conclusions

Quelques domaines seulement des sciences cognitives s’intéressent aux processus d’apprentissage. Il est impossible de faire ici la synthèse des résultats de l’ensemble des sciences cognitives ou même de la recherche cognitive sur l’apprentissage, nous avons présenté dix constats clés de la recherche cognitive sur l’apprentissage pour illustrer les questions types, les différentes démarches et les résultats obtenus. Ces dix constats se concentrent sur l’acquisition des connaissances, car les recherches en sciences cognitives montrent que des savoirs bien structurés sous-tendent des compétences plus complexes, notamment la compréhension des concepts, des compétences efficaces et l’expertise d’adaptation. Les apprenants qui n’ont pas ces savoirs ne peuvent pas profiter des avantages que pourrait leur procurer la multitude de ressources sociales, écologiques, technologiques, culturelles, économiques, médicales et politiques qui les entourent.

Les dix constats présentés dans ce chapitre ont des implications directes pour la conception d’environnements d’apprentissage efficaces. Ils s’inspirent de principes généraux relatifs au fonctionnement du cerveau humain et s’appliquent à tous les groupes d’âge, tous les types d’établissements et toutes les disciplines. Les environnements d’apprentissage efficaces : stimulent l’activité mentale des apprenants, prennent en compte les connaissances antérieures, intègrent les éléments de savoirs fragmentés dans des structures de connaissances hiérarchisées, permettent l’acquisition équilibrée de concepts, d’habiletés et d’une compétence métacognitive, offrent des structures susceptibles d’aider les apprenants à bien structurer leurs connaissances et présentent les informations de manière à faciliter un traitement cognitif efficace compte tenu des limites intrinsèques du cerveau (par exemple, capacités limitées de la mémoire de travail).

Les environnements d’apprentissage efficaces favorisent le transfert de connaissances entre différentes disciplines, mais ils font aussi un lien entre la situation d’apprentissage et la vie quotidienne. Ils ne cherchent pas à alléger la charge de travail des apprenants. Au contraire, ils visent à augmenter la motivation autant que faire se peut en s’efforçant de rendre intéressant le contenu des cours, en précisant les buts visés, en mettant en lumière l’utilité des compétences acquises dans la vie de tous les jours, en étant sensibles aux intérêts des apprenants, à leurs objectifs et à la perception qu’ils ont d’eux-mêmes.


Source :
Schneider, M. & Stern, E. (2010) L’apprentissage dans une perspective cognitive, in H. Dumont, D. Istance et F. Benavides (Dir) Comment apprend-on ? : La recherche au service de la pratique, Éditions OCDE. http://dx.doi.org/10.1787/978926408...