De la recherche action à la recherche coopérative (Felix, Merminod & Defelix, 2009)

 juin 2010
par  Jean Heutte
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De la recherche action à la Collaborative Management Research

Aujourd’hui les recherches en sciences de gestion mobilisent de multiples approches méthodologiques et cherchent à apporter, par des démarches scientifiques d’observation et d’intervention, des réponses à des problèmes concrets identifiés comme tels par les praticiens.

1.1 - La recherche-action, une méthode reconnue en sciences de gestion

David (2000 ; p.12-14) propose quatre principes communs aux démarches scientifiques en gestion. Le premier repose sur l’objectif de compréhension en profondeur du fonctionnement du système, de la définition des trajectoires possibles d’évolution, du choix de l’une d’entre elles, et enfin de la réalisation à l’évaluation des résultats. Le second principe fait trait à la production de connaissance qui a pour particularité d’être issue et validée dans l’interaction avec le terrain. Le troisième principe repose sur la mobilisation, par le chercheur, de différents niveaux théoriques (faits mis en forme, théories intermédiaires, théories générales…). Enfin, le quatrième et dernier principe est celui de la nature prescriptive pour l’action d’un certain nombre de résultats par référence à des principes scientifiques (recherche de la vérité) et démocratiques (égal respect des acteurs). De ces principes, David (2000) propose un « cadre intégrateur » pour les démarches de recherche en sciences de gestion (cf. tableau 1.). Il distingue ainsi les recherches selon leur objectif (construction mentale ou concrète de la réalité) et leur démarche (la recherche peut être inductive ou déductive).

(David, 2000, p.14) Tableau 1 - Typologie des démarches de recherche en sciences de gestion (David, 2000, p.14)

Parmi les différentes méthodes possibles ainsi recensées, la recherche-action est donc préconisée pour aider à comprendre et à transformer le « système à partir de sa propre réflexion sur lui-même dans une optique participative ». Mais qu’entendre précisément par recherche-action ? Celle-ci peut se définir comme une méthode de recherche dans laquelle « il y a une action délibérée de transformation de la réalité, recherche[s] ayant un double objectif : transformer la réalité et produire des connaissances concernant ces transformations » (Hugon et Siebel, 1998 : p.13, cité par Allard-Poesi et Perret, 2003 : p.86). Certaines disciplines (anthropologie appliquée, psychologie sociale, recherche opérationnelle…) ont déjà largement utilisé cette démarche, chacune proposant une lecture différente de l’objet étudié (et ce en fonction des postulats épistémologiques et de la vision de la réalité sociale sous-jacente). Parmi les plus importantes, peuvent être citées : « l’action research (Lewin, 1951), l’action science (Argyris, Putnam et Smith, 1985), la science de l’aide à la décision (Roy, 1992) et la recherche intervention en sciences de gestion (Hatchuel et Molet, 1986 ; Hatchuel, 1994) » (David, 2000 ; p.3). Les trois caractéristiques communes des différents paradigmes de recherche-action sont ainsi le changement, l’élaboration de connaissances et l’intervention (Allard-Poési et Perret, 2003).

1.2 - Une démarche de recherche-action peu usitée : la cooperative inquiry

Comme en témoignent les récentes conférences organisées suite et les parutions successives de manuels sur le thème des recherches collaboratives en management, l’intérêt pour ce type d’approche va grandissant. Forme particulière de recherche-action, la recherche collaborative se définit comme une recherche amenant deux parties (identifiées comme telles, faisant partie du monde académique et professionnel) à travailler collectivement avec un objectif commun de résolution de problème(s) et de création de connaissance(s) nouvelle(s) opérationnelle(s) et théorique(s) (Shani et al., 2007). L’avantage de la recherche collaborative réside dans sa capacité à « parler » aux praticiens dans la mesure où la recherche est co-construite avec eux (Bartunek, 2007). Les approches coopératives existent depuis un certain nombre d’années, celles-ci passent par des formes diverses (Cooperative inquiry, Human Inquiry et Pragmatist Action-Research).

La recherche collaborative, également appelée participative research, intègre une variété d’enquêtes (études de cas, recherche en co-production…) dont la recherche coopérative (ou cooperative inquiry) fait partie intégrante. Cette dernière, spécifique par son paradigme – le « participatory inquiry paradigm » de Heron et Reason (1997) - nous semble pertinente à mobiliser. Le postulat de départ de ce paradigme est que l’apprentissage est une activité sociale, les connaissances se créant dans l’interaction entre individus : “The participative perspective sees aworld not of separate things, as a positivist view would have, not as a socially reinforced construction of the human mind as held by the various relativist perspectives, but rather of relationships which we co-author” (Reason, 1998 : p.159). Les individus partagent donc leurs expériences respectives au travers d’une succession d’étapes de réflexion et d’action : “Co-operative inquiry involves two or more people researching a topic through their own experience of it, using a series of cycles in which they move between this experience and reflecting together on it. Each person is co-subject in the experience phases and co-researcher in the reflection phases” (Heron, 2000 : p.3).

Ainsi, une recherche se réclamant de l’approche coopérative revient à réaliser une étude avec les individus et non sur des individus : « I saw co-operative inquiry as a simply way to get data which was both more « accurate » because it was based directly on experience, and also more ethical since it engaged with people rather than did research on people » (Reason, 1998 ; p.149). Parce que, dans cette perspective, les sujets étudiés ne sont plus uniquement des « sources d’informations » mais des « co-facilitateurs » de la recherche, leur participation est une condition préalable à l’utilisation de cette approche. Dès lors, le chercheur ne doit et ne peut prétendre occuper une position privilégiée (Allard-Poesi et Perret, 2003) : il n’y a donc pas primauté du chercheur sur les participants. Cette question de la participation est donc critique pour toute recherche collaborative, qu’elle soit du côté des chercheurs ou du côté des praticiens (Heron et Reason, 2001). Ainsi, Reason (1998) affirme qu’en fonction du type et de l’intensité de la participation il est possible de dire si la recherche a été menée en collaboration minimale, partielle, ou complète.

Une pleine collaboration doit également « transformer » les participants. Ainsi, le praticien est amené à devenir un praticien averti et réflexif, ce qu’Hartog (2002 : p.235) nomme “praticien mature” : "Even senior practitioners can be naive about the gap between espoused theory and theory in use (the difference between what they claim they do and what they actually do), resulting in defensiveness and anxiety concerning the uncertainty that this perspective and understanding of self and organization practice reveals". Il s’agit donc de doter le praticien d’une capacité réflexive provenant d’un travail certain d’introspection.

Dans le cadre des approches dites coopératives, les connaissances co-construites ont pour principal objectif de résoudre les problèmes concrets du terrain étudié. De facto, ces connaissances ne sont pas issues de théories normatives pré-existantes. Cet objectif commun de changement, qu’il soit au niveau du système social étudié ou au niveau de la production de connaissances, implique que le chercheur intervienne de manière délibérée dans son objet d’étude. Le changement ne doit alors plus être considéré comme un biais mais « un principe mêmed’intervention et de génération de connaissances scientifiques » (David, 2000 ; p.5). L’objectif final, pour le chercheur employant une approche participative, est par conséquent d’arriver à générer des connaissances utiles et utilisées par les praticiens. Il s’agit principalement de transformer idéalement l’existant via la production de connaissances au service de l’action. Les connaissances sont donc contextualisées parce qu’elles sont fondées empiriquement, parce qu’elles émanent des « voix du terrain ». Projet de recherche à part entière, la recherche coopérative présente à nos yeux des facettes qui nous permettent de la comparer à l’activité de gestion de projet. En effet, la direction de projet (maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre) est assumée conjointement par les participants (chercheurs et praticiens). Les ressources sont définies au préalable lors du choix collectif du thème de recherche. Le projet en lui-même est orienté sur le moyen et le long terme et se déroule par étapes successives (semblables à l’enchaînement des tâches dans l’ordonnancement de projet). Enfin, le chemin critique du projet est directement lié à la qualité des interactions entre les participants. Nous pouvons ainsi synthétiser ces caractéristiques principales sous quatre dimensions : les objectifs, la participation, la création de connaissance(s) et le statut du chercheur (tableau 2.).

JPEG - 89.7 ko Tableau 2 - Tableau des caractéristiques principales de la recherche coopérative

1.3 - De la mobilisation au déploiement d’une approche coopérative

Dans le cas des méthodes d’observation traditionnelles, l’accès au terrain n’est pas obligatoirement donné. Cela implique une certaine négociation sur ce qui va être observé, analysé et rédigé. De plus, l’entrée sur le terrain induit deux conséquences connues : d’une part, il modifie les habitudes de l’organisation étudiée (ceci pouvant conduire au changement des comportements des individus observés : cas de la méfiance) ; d’autre part, il implique que le chercheur doive consacrer une part importante de son temps à la traduction de l’objet de recherche auprès des individus composant l’organisation (lors de la première rencontre, lors des réunions d’équipe), ce pour gagner leur confiance mais également se libérer de toute entrave potentielle.

L’approche coopérative n’engendre pas ce type de problèmes dans la mesure où cette approche est co-construite intrinsèquement. Cependant, la mise en place et l’utilisation de la démarche collective ne sont pas choses aisées. En effet, le succès de la démarche collaborative dépend de deux facteurs principaux : l’organisation de la recherche en elle-même, ainsi que la définition et l’acceptation de la problématique (Bray et al., 2000). De plus, de par son design de recherche, l’approche coopérative suppose qu’il y ait une tension entre les connaissances du chercheur et celles des participants : c’est cette même tension qui est à la base de la logique de confrontation, de négociation (Heron et Reason, 2001). Dans cette logique, seule la diversité est génératrice de connaissances. Il s’agit plutôt d’optimiser le panel de points de vue pour offrir aux participants un ensemble de clés d’action possibles. Bien que le chercheur et ses « co-chercheurs » soient sur le même pied d’égalité, c’est au chercheur de s’assurer la pérennité des conditions de participation. Il est important que ce dernier soit capable d’assumer les différentes fonctions de consultant, participant et bien sûr de chercheur.

L’approche coopérative représente donc un défi permanent pour le chercheur : il est primordial qu’il soit en mesure d’alterner ses différentes « casquettes » sans que l’une ne prédomine sur les autres. L’animation d’un groupe de recherche suppose un certain nombre de compétences chez l’ensemble des participants. Pour Bartunek (2007) celles-ci sont directement liées à l’activité d’échange : compétences en animation de groupe, en créativité et en communication. Ces compétences relationnelles ont pour objectifs de ne pas laisser les participants s’enfermer dans les stéréotypes ni se réfugier dans leur groupe d’appartenance, et les inviter à rester ouverts aux différentes interventions.

Heron et Reason (1997) identifient quatre grandes phases dans l’approche coopérative :
- la définition collective d’une problématique / d’un thème de recherche ;
- le partage, phase dans laquelle les différents intervenants (qu’ils soient académiques ou praticiens) font part de leurs différentes expériences sur le thème choisi ;
- le test, phase dans laquelle les acteurs s’immergent dans le terrain ;
- et le bilan, au cours duquel les acteurs mutualisent leurs expériences et émettent certaines propositions (phase de réflexivité).

Selon les auteurs, seul le strict respect de ces quatre phases permet de transformer les praticiens en chercheurs.

[...]

3 - Enjeux et défis de la recherche coopérative

La mise en œuvre de cette méthode de recherche coopérative ne constitue en aucun cas une best practice méthodologique. Elle nécessite de relever trois principaux défis : assurer l’équilibre de la participation entre chercheurs et praticiens (3.1) ; transcender la frontière entre théorie et pratique et ainsi réussir une étape fondamentale : le « faire communauté » (3.2.) ; et enfin satisfaire les conditions de fiabilité et de validité (3.3.).

3.1 - Assurer l’équilibre entre chercheurs et praticiens

Les rôles que nous, chercheurs, avons été amenés à jouer dans le processus de recherche ont été multiples et parfois ambivalents : nous avons été à la fois conducteurs/animateurs des ateliers, intervenants académiques et participants. Notre objectif initial était l’organisation et l’intendance des séances, afin de soulager les praticiens des aspects purement opérationnels de la recherche. Notre style d’intervention visait principalement à initier (choisir le thème traité à chaque atelier parmi les thèmes ayant émergé lors de la première rencontre), structurer les échanges (via la stimulation des participants), et réaliser les synthèses relatives à chaque séance. Ces fonctions assumées renvoient directement au positionnement déontologique du chercheur dans une recherche coopérative : quel rôle joue-t-on ? Quelles attitudes adoptons-nous ? Cependant, bien que cette prédominance des chercheurs dans l’organisation des ateliers ait été choisie pour « soulager » les praticiens, elle a a priori déséquilibré la relation entre chercheurs et praticiens, ce déséquilibre ayant été renforcé par le choix géographique des rencontres, qui ont eu lieu systématiquement dans les locaux de l’université. Certes, les ingrédients d’une création réussie de « communauté » semblaient tous au rendez-vous : le ciblage d’une réalité nouvelle porteuse d’enjeux symboliques, académiques et pratiques ; le fonctionnement en réseau ; l’intéressement progressif par des réunions de travail associant des représentants des deux « mondes » en présence, chercheurs et praticiens. Cependant, nous avons rencontré plusieurs difficultés. La première est relative à la difficulté de présence assidue des praticiens ; aucun de nos interlocuteurs n’a réussi à suivre personnellement la totalité des quatre séances auxquelles il s’était engagé, et ce malgré un calendrier fixé à l’avance. La seconde difficulté est liée à l’implication de ces derniers ; alors que la règle du jeu proposée était de ne pas venir en « passager clandestin » mais de contribuer par son propre témoignage, ses propres interrogations/idées, au contenu des séances, seules deux entreprises sur les huit ont effectivement répondu à l’appel et présenté leur propre retour d’expérience. En d’autres termes, et même si la satisfaction des participants était finalement au rendez-vous, nous avions sans doute présumé de l’implication de nos partenaires professionnels.

3.2 - Transcender la frontière entre théorie et pratique et « faire communauté »

L’apport principal de cette approche relationnelle réside dans le fait qu’elle remet en cause la frontière classique entre théorie et pratique. En effet, au lieu de placer ces deux univers en opposition, nous avons délibérément fait le choix de la synergie (Van de Ven et Johnson, 2006), chacun de ces deux univers pouvant trouver une résonance chez l’autre. Pour ainsi dire, cette approche « transcende » la traditionnelle tension entre connaissance et action. Elle permet d’apporter certains éléments de réponses à la question « comment relier la connaissance à l’action ? ». Nous avons amorcé un processus de recherche nous amenant à explorer le fossé (« the space between ») entre sujet et objet, sujet et recherche, chercheur et sujet et enfin la réflexivité du processus de recherche lui-même (Bradbury et Bergmann Lichenstein, 2000).

L’ambition d’une telle méthode, nous l’avons vu, n’est pas neuve en soi dans le champ de la recherche en management. Si le principe en a été retenu ici, c’était dans un double objectif : mieux délimiter, dans une visée exploratoire, l’objet d’étude « pôle de compétitivité » et ses enjeux managériaux ; mais aussi créer autour de l’objet en construction une communauté d’intérêts. Celle-ci se voulait proche de ce que certains auteurs appellent une communauté épistémique : « Des petits groupes constitués d’agents engagés dans des sous-ensembles de questions reconnues mutuellement (…). [Ils] ont un objectif commun de création délibérée de connaissance et construisent progressivement pour y parvenir une structure commune permettant une compréhension partagée » (Cowan, David et Foray, 2000 ; p. 234). Par ailleurs, dans la mesure où nous, chercheurs, voulions rendre les partenaires entreprises ouverts et désireux d’accueillir notre recherche sur ce thème, notre méthode rejoignait aussi la sensibilité théorique de la théorie de la traduction (Callon, 1986) : plutôt que de définir ex ante et « entre nous » un projet de recherche pour le diffuser ensuite chez ces partenaires, nous avons tenté de créer une dynamique d’intéressement de ces acteurs et de co-construire avec eux un objet de recherche répondant aussi à leurs attentes. Or, l’approche coopérative de par sa dimension participative implique la construction d’une telle communauté. Alors que cette dernière est présentée, par les auteurs référents (Heron et Reason, 1997, 2001 ; Reason, 1998), comme un élément déjà constitué, la mobilisation de cette approche fait émerger, selon nous, qu’une communauté ne se constitue pas aisément et qu’elle repose sur trois déterminants : le partage d’un but commun/ d’une même volonté ; une participation, un investissement opérationnel et affectif minimal à la vie du groupe ; et l’existence d’une solidarité entre les membres du groupe.

[...]

De la co-production de connaissances communes à la co-construction de connaissances communes actionnables dans une approche coopérative

La mise en place de cette démarche de recherche initie la création d’un réseau dans lequel chaque participant échange, combine et renforce des savoirs. Ils cultivent et enrichissent ainsi leur capital social. Or, comme le démontrent Nahapiet et Ghoshal (1998), c’est grâce à la densité du capital social que les entreprises, dans une certaine mesure, détiennent un avantage concurrentiel.

3.3 - Satisfaire des conditions de crédibilité plutôt que de validité

Une des questions cruciales d’une recherche, qu’elle soit de type quantitative ou qualitative, est de savoir comment son auteur peut la présenter et la rendre appropriable par ses pairs (validité externe de la recherche). Cette question incontournable renvoie bien évidemment à celle de la contribution (au sens le plus strict du terme) au domaine scientifique dans lequel cette recherche peut s’inscrire.

A cet égard, la recherche coopérative doit faire face aux pressions exercées par certaines institutions et chercheurs sur la pertinence, la qualité et le bien-fondé d’une telle démarche de recherche (Anderson et al., 2001). Ce dogmatisme méthodologique a pour conséquence directe d’alimenter les guerres intestines entre les écoles de pensées (Gulati, 2007) et de confiner l’emploi de cette démarche à certaines disciplines (nous pensons entre autres à la psychologie sociale). A nos yeux, la pertinence de la recherche coopérative s’apprécie dans son format de retranscription (Bartunek, 2007) que ce soit sous forme d’étude de cas ou de récit.

Deux points de la démarche de recherche ont une incidence directe sur la validité externe de cette dernière (Miles et Huberman, 1991). Ces deux points peuvent se traduire sous les deux questions suivantes : comment avons-nous choisi le terrain ? Et comment avons-nous procédé dans l’analyse des données collectées ? Pour nous, les critères de choix du terrain ont été la proximité géographique (bassin économique grenoblois) et l’existence de réseaux de contacts. En ce qui concerne la manière dont nous avons analysé les données collectées, l’approche coopérative nous a amenés à soumettre aux différents participants des ateliers des comptes-rendus réguliers. Cela s’est également traduit par un processus de validation des communications entreprises. En clair, notre processus de recherche a largement été influencé par une instance décisionnaire que sont les acteurs du terrain. De manière générale, les résultats d’une recherche sont évalués et critiqués en fonction des critères de fiabilité et de validité. Selon nous, de par ses caractéristiques (participation et transformation de l’existant), l’approche coopérative a pour limite la dépendance contextuelle de ses résultats. Les résultats obtenus sont donc « les résultats du terrain ». Ainsi, les informations recueillies l’ont été dans des conditions précises, avec des participants aux personnalités différentes, aux objectifs différents. De fait, cette limite peut être considérée comme endogène à l’approche coopérative et renvoie à la reconsidération de la définition de la validité (Evered et Louis, 1981). Pour ces auteurs, la validité d’une approche coopérative s’estime à partir de la crédibilité (interne et externe). La crédibilité d’une telle recherche peut se définir comme l’importance du consensus existant entre les différents participants qu’ils soient chercheurs ou praticiens. En termes de crédibilité interne, il s’agit de savoir si les connaissances générées satisfont les participants. A l’inverse, la crédibilité externe s’appréciera par l’acceptation de ces mêmes connaissances par la communauté scientifique. Cette mise à l’épreuve de la qualité de l’interaction permet de juger de la pertinence de cette approche coopérative ; un exemple d’indice de crédibilité interne est l’acception par la gouvernance du pôle Minalogic de créer une instance de suivi pour recevoir et entendre les résultats de notre étude. Nous n’échappons donc pas à une relative spécificité des résultats obtenus par rapport à d’autres types de formes collaboratives, même s’il est permis de poser l’hypothèse de l’importance de l’intégration et de la construction de sens partagé pour tout projet collaboratif.


Sources :
Felix, P.- L., Merminod, N. et Defelix, C. (2009) « L’approche coopérative en sciences de gestion », Revue internationale de Psychosociologie 1/2009 (Volume XV), p. 141-160.