Intelligence artificielle : enaction, langage, ordinateur (Varela F., 1996)

 novembre 2004
par  Jean Heutte
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Travailler sans représentations

La recherche d’alternatives à la représentation pour étudier les phénomènes cognitifs (et il faut reconnaître que cela constitue une étiquette plutôt vague, un peu comme le connexionnisme) attire un relativement petit groupe de chercheurs venus de divers domaines. Il est intéressant de constater que ce groupe a grandi constamment au cours des dernières années.

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Une autre aire d’influence importante pour l’approche de l’enaction est celle de l’ordinateur et du langage. En fait, dans cette perspective, l’acte de communiquer ne se traduit pas par un transfert d’information depuis l’expéditeur vers le destinataire, mais plutôt par le modelage mutuel d’un monde commun au moyen d’une action conjuguée : c’est notre réalisation sociale, par l’acte de langage, qui prête vie à notre monde.

Il y a des actions linguistiques que nous effectuons constamment : des affirmations, des promesses, des requêtes, et des déclarations. En fait, un tel réseau continu de gestes conversationnels, comportant leurs conditions de satisfaction, constitue non pas un outil de communication, mais la véritable trame sur laquelle se dessine notre identité. On peut ainsi exprimer l’essentiel de la vie quotidienne d’un bureau d’un point de vue qui s’apparente beaucoup plus à sa dynamique réelle que les classiques organigrammes de gestion. Cette approche a donné naissance à une toute nouvelle espèce d’outils lA que l’on appelle les coordinateurs, dont le principe de base est de remplacer le courrier électronique habituel par un logiciel spécialisé dans l’analyse du flux conversationnel d’une entreprise. Les coordinateurs sont un exemple de réorientation de l’lA, où l’on cesse d’exiger de l’ordinateur ce qui est peut-être impossible - à savoir la tâche non circonscrite de l’analyse linguistique -, et où on l’utilise plutôt comme véhicule structuré pour la reconnaissance explicite de notre continuelle enaction linguistique.


Varela F. (1996), Invitation aux sciences cognitives, edition du seuil, p113