Quelques caractéristiques de l’évaluation authentique (Tardif, 1993)

 juillet 2010
par  Jean Heutte
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Resnick et Resnick (1992) signalent que, à la base des tests standardisés, il y a deux postulats majeurs. Ces postulats sont d’ailleurs à la base de l’ensemble des tests traditionnels. Ils nomment le premier le postulat de la « décomposabilité » et celui-ci correspond à l’idée que toute compétence est décomposable en composantes et que l’évaluation de chaque composante, isolément, fournit des indices significatifs pour ce qui est de la compétence. Le deuxième postulat est celui de la décontextualisation. Il implique que chaque composante d’une compétence est fixe et qu’elle se manifeste de la même façon peu importe le contexte dans lequel elle prend place, peu importe le contenu à partir duquel elle est évaluée.

Resnick et Resnick (1992) mentionnent que ces deux postulats ont été sérieusement mis en doute par les recherches inscrites dans les orientations du paradigme constructiviste. Dans la mesure où, pour chacune des compétences, les interactions entre leurs composantes beaucoup plus que les composantes elles-mêmes sont les déterminants du niveau de développement d’une compétence donnée, la « décomposabilité » est un postulat invraisemblable. Ce postulat conduit à privilégier l’évaluation de chaque composante isolément alors que ce sont les interactions entre les composantes qui sont les variables les plus lourdes et les plus significatives dans le développement de toute compétence.

En ce qui concerne la décontextualisation, les recherches portant sur le rôle des connaissances spécifiques dans la compétences ont particulièrement contribué à rejeter ce postulat. Un très grand nombre de recherches ont démontré que plus une personne a de connaissances spécifiques sur un sujet donné, plus sa performance dans ce domaine est élevé. La décontextualisation ignore systématiquement le rôle capital des connaissances spécifiques dans la manifestation d’une compétence. Le postulat de la décontextualisation a ainsi contribué à ce que les instruments utilisés dans les phases d’évaluation fassent référence à des contenus peu signifiants et à ce que le transfert des connaissances soit traité d’une façon réductionniste. À l’égard du manque de signifiance des instruments utilisés, une conclusion de Gardner (1992) mérite d’être reprise. Il souligne que la platitude est l’une des caractéristiques inacceptables des tests formels.

[...] les seules évaluations qui respectent les principes du paradigme constructiviste sont celles qui privilégient directement la compétence contextualisée. Il y aurait alors deux nouveaux postulats à la base des pratiques évaluatives dans le cadre du paradigme constructiviste. Le premier est celui de l’interactivité des composantes dans les compétences. Le deuxième est celui de la contextualisation des compétences. L’évaluation qui tient compte de la contextualisation de la compétence et des interactions de ses composantes exige des tâches complètes, complexes et signifiantes. La signifiance de la tâche est cruciale étant donné la très grande importance des connaissances spécifiques dans la manifestation d’une compétence. De plus, la tâche doit être complète parce qu’il faut qu’elle oblige le recours aux interactions entre les composantes de la compétence évaluée. Comme il a été mentionné, ce sont les interactions entre les composantes d’une compétence beaucoup plus que le nombre de composantes qui permettent de conclure avec exactitude sur le degré de maîtrise atteint pour toute compétence. Enfin, la tâche est complexe parce que la situation d’évaluation doit placer l’élève dans un contexte où l’usage de stratégies cognitives et métacognitives est nécessaire.

Les évaluations qui respectent ces caractéristiques ne correspondent certainement pas à des activités qui peuvent se réaliser dans un court laps de temps. Elles ne peuvent, d’ailleurs, être constituées que de questions fermées ou de tableaux réductionnistes à compléter. […]

Dans le milieu de l’enseignement aux États-Unis, Wiggins a fortement influencé les discussions sur les pratiques évaluatives et il a contribué à introduire le concept d’évaluation authentique. Selon Meyer (1992), toute évaluation authentique est nécessairement une évaluation d’une compétence. Les problèmes réels à résoudre, les essais, les projets de recherche, les simulations, les activités de laboratoires, etc. sont des situations d’évaluation authentique. Les situations d’évaluation authentique doivent permettre, le plus directement possible, de tirer des conclusions au sujet des compétences développées par l’élève. Ces situations visent à décrire et à certifier ce que l’élève est comme penseur, lecteur, scripteur, mathématicien, etc. L’évaluation authentique, selon les propos de Resnick et Resnick (1992), tient compte directement des compétences plutôt que de les considérer à l’aide d’indicateurs indirects.


Source :
Tardif J., (1993), “L’évaluation dans le paradigme constructiviste”
Texte tiré de L’évaluation des apprentissages. Réflexions, nouvelles tendances et formation. (Coll. sous la direction de René Hivon, Université de Sherbrooke, 1993, p. 27-56, passim)