Ocytocine : hormone des interactions sociales

 octobre 2004
par  Jean Heutte
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La régulation biologique et la survie d’une espèce, y compris du genre Homo, dépend de mécanismes propres au fonctionnement du corps et du cerveau, capables de forcer à exprimer des comportements que les individus ne peuvent pas toujours arrêter par la force de leur volonté.

L’ocytocine :

Hormone synthétisée à la fois dans le cerveau (dans les noyaux supra-optiques et parvo-ventraux de l’hypothalamus) et dans le corps (dans l’ovaire ou le testicule).

Elle peut être libérée par le cerveau afin de participer, par exemple, directement ou par hormones interposées, à la régulation du métabolisme ; ou elle peut être libérée par le corps, lors de l’accouchement, de la stimulation des organes sexuels ou de l’orgasme, et, dans ces derniers cas, elle n’agit pas seulement sur le corps (en relâchant les muscles durant l’accouchement, par exemple), mais aussi sur le cerveau. Elle peut déterminer chez , celui-ci des effets qui n’ont rien à envier aux légendaires « philtres [d’amour] ». En général, elle agit sur toute une série de comportements tels que le toilettage, la locomotion, les comportements sexuels et maternels. Plus important, ..., elle facilite les interactions sociales, et induit un lien entre les partenaires sexuels.

Un bon exemple de ce dernier cas est fourni par les études de Thomas Insel sur le campagnol, un rongeur doté d’une magnifique fourrure

Après une cour éclair et un jour entier d’accouplements, répétés, le mâle et la femelle restent inséparables jusqu’à la mort. Le mâle devient réellement agressif avec tout congénère autre que sa bien-aimée, et se consacre à des activités généralement fort utiles autour du nid.

Un tel lien n’est pas seulement charmant, mais c’est aussi une adaptation avantageuse (et cela, dans beaucoup d’espèces), puisqu’il maintient ensemble des parents qui doivent élever leurs enfants, et permet de mettre en place d’autres aspects de l’organisation sociale.

Les êtres humains font certainement usage de beaucoup des actions de l’ocytocine, bien qu’ils apprennent à éviter, dans certaines circonstances, ceux de ses effets qui peuvent se révéler moins bons. Souvenez-vous du philtre d’amour de Tristan et Iseult, dans l’opéra de Wagner. Trois heures plus tard, sans compter les entractes, ils sont conduits à une triste mort.

À la neurobiologie de la sexualité qui commence à être bien connue, il faut maintenant ajouter les prémisses d’une neurobiologie de l’attachement, de sorte que, armés de ces deux types de connaissance, nous pouvons peut-être jeter un peu plus de lumière sur ce complexe ensemble d’états mentaux et de comportements que nous appelons amour.

(Damasio, 1994)


L’attachement à long terme est en effet une forme d’affection qui semble avoir été mise au point par la nature afin de permettre d’élever des enfants, tâche qui nécessite la coopération des deux parents sur une longue période. Cet état se caractérise par un sentiment de calme, de sécurité, de confort social et émotionnel. Il est lié à la production d’ocytocine, une hormone qui favorise les contractions de l’utérus lors de l’accouchement ainsi que la lactation. Celle-ci agit dans les parties du cerveau responsables de la reconnaissance des visages et de l’identification des individus familiers. Cette molécule joue un rôle essentiel dans le lien qui relie la mère à l’enfant, mais elle est aussi active chez le père. La psychiatre Kathleen Light, de l’université de Caroline du Nord, a montré que le niveau d’ocytocine augmentait chez l’homme et chez la femme lorsqu’ils s’embrassent, se touchent ou simplement regardent des films romantiques. C’est elle qui nous incite à rester avec notre partenaire lorsque nous nous réveillons après une nuit d’ébats. Sa production chez le bébé dépend des caresses qu’il reçoit. Pour que les récepteurs d’ocytocine se mettent en place dans le cerveau, il faut que le lien mère-enfant ait été satisfaisant.

Toute manifestation de tendresse physique (caresses, massage, embrassades) fait aussitôt grimper son taux, ce qui augmente le plaisir et l’envie de vivre à côté de celui ou de celle qui les prodigue. « L’ocytocine est un antistress puissant qui a probablement un effet dopant sur le système immunitaire, explique Lucy Vincent, docteur en neurosciences, qui vient de publier Comment devient-on amoureux ? (Odile Jacob). Les rats auxquels on injecte cette molécule tolèrent mieux la douleur et cicatrisent plus facilement. » Cela tient aux molécules du bien-être que le cerveau relâche durant l’activité sexuelle et l’orgasme, mais aussi au cours de toutes les relations affectives et des interactions sociales.

(Charles G. & Stehli J.-S. , 2004)


Sources :
- DAMASIO A. 1994. L’erreur de Descarte (p171)
- CHARLES G. & STEHLI J.-S. 2004. Pourquoi l’amour est bon pour la santé, L’Express du 16/08/2004
http://www.lexpress.fr/info/societe...