Piloter l’innovation "de l’intérieur". (Heutte, 2005-2011)

 avril 2007
par  Jean Heutte
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Quelques points de repère pour les porteurs de projets innovants au sein de l’organisation dans laquelle ils travaillent, plus particulièrement dans les services publics : focus sur quelques aspects importants concernant la posture à adopter et les méthodes à appliquer pour survivre dans la proximité du côté obscur de la force...

Mots clés : agentivité, expérience optimale / flow, gouvernance, leadership, méthode(s) de gestion de projet, réalisme, sentiment d’efficacité personnel et collectif

Depuis près d’une vingtaine d’années, les institutions pour lesquelles j’ai travaillé m’ont chargé de la mission d’impulser l’innovation à l’aide des technologies numériques dans l’éducation et la formation (Heutte, 1995, 1998, 2002, 2008a, 2010a ; Heutte & al., 2010). De mission en mission, j’ai progressivement été convaincu que ce qu’il est convenu d’appeler la "résistance au changement" (qui n’est d’ailleurs pas spécifique aux technologies numériques) est en fait une "résistance" à une organisation qui manquent souvent cruellement de méthode(s) pour piloter l’innovation (même les "bonnes idées" ne passent plus...) et dont le pilotage de l’ensemble des ressources humaines est en panne (Heutte, 2007). L’impact négatif de cette incompréhension grandissante entre la plupart des personnels (enseignants ou non) et l’institution qui les emploie se trouve accentué par les effets induits des technologies numériques sur le rapport aux savoirs et à la construction des compétences (Heutte, 2003). Qui plus est, au moment où les exigences de la société de la connaissance posent la question de la qualité des formations et interrogent les missions de l’ensemble des personnels du service public d’éducation : du ministre, aux enseignants, ainsi que l’ensemble de la chaîne de management, sans oublier l’ensemble son administration (centrale et services déconcentrés) (Heutte, 2007)...

C’est en partie la raison de mon intérêt concernant les méthodes de pilotage dans les services publics, plus particulièrement celles liées au management de l’intelligence collective via les réseaux numériques (Heutte & Casteignau, 2006), qui m’a offert l’opportunité de pouvoir m’impliquer au sein de l’administration centrale du ministère de l’éducation nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche, notamment en tant que responsable Qualité (Heutte, 2008b ; SDTICE, 2006, 2007).

Il s’agit d’une base ancienne (remise au goût du jour à l’occasion d’une communication au 23e colloque de l’association pour le développement des méthodes d’évaluation en éducation (ADMEE) Europe "Évaluation et enseignement supérieur" et aussi compte tenu de certains de mes intérêts de recherche) d’un cours réalisé en 2005 pour des étudiants DESS en management de l’intelligence collective, plus particulièrement pour les étudiants salariés qui souhaitaient faire leur stage sur leur lieu de travail, notamment quand qu’ils travaillaient dans un service public (d’où le ton "impertinent"...).

Si vous manquez de temps, je suggère de lire en priorité "Comment bien faire échouer son projet ?" (p. 2)

La ressemblance avec certains personnages réels, n’est pas tout à fait fortuite...
... je pense que chacun peux y retrouver de lui-même (auto dérision) ou certaines personnes qu’il a pu côtoyer.

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(Heutte, 2011)

Ci-dessous, vous trouverez la présentation réalisée initialement en 2005 :

Sommaire de la présentation :

- Comment bien « faire échouer » son projet

  • Penser que l’on peut sauver le monde seul
  • Ramer à contre courant
  • Travailler sans le soutien d’un sponsor officiel
  • Froisser son supérieur hiérarchique direct
  • Perdre contact avec la base

- Un exemple de pilotage d’une démarche KM
- Quelques profils d’utilisateurs
- Liens entre KM et Qualité
- Replacer l’humain au cœur des TIC

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Support de la présentation "Piloter un projet Management de l’Intelligence Collective, knowledge management ou management par la qualité." (Limoges, 9 mars 2005)

En guise de teasing, je propose ci-dessous un extrait de certaines diapositives

Comment bien faire échouer son projet :

Négliger la psychologie et le mode de leadership des acteurs clés qui « tiennent » les réseaux de personnes et de pouvoirs dans l’organisation

Oublier la comédie sociale de l’organisation : cruauté des envies, cruauté de l’ambition, besoin inassouvi de reconnaissance.

Froisser son supérieur hiérarchique direct : Votre ambition doit le faire progresser...
=> Si malgré beaucoup d’efforts, il vous est impossible de percevoir une marge de progression possible chez votre « chef », faites-vous muter, faites en sorte qu’il ait une promotion hors de votre champ d’action ou quittez l’organisation...

Perdre contact avec la base : Renforcer la résignation apprise des collègues, des opérationnels, des « petites mains »...
=> Nul n’est prophète en son pays, si vous avez commis des « erreurs de jeunesse », vous serez peut être le premier obstacle à la réussite du projet. Dans ce cas, il vous faudra essayer de « renaître » ailleurs, pour réussir.

Management de l’intelligence collective, knowledge management (KM) ou management par la qualité.
Il est essentiel d’opter pour une implantation incrémentale :
- agir petit, penser grand ;
- bien commencer la « boule de neige » / la « nénupharisation » ;
- vivre une succession de « petits matins » plutôt qu’un rêve de « grand soir ».

La réussite de ce type de projet
- s’inscrit dans la durée ;
- dépend de l’implication (exemplarité) de la hiérarchie ;
- nécessite de l’adhésion de l’ensemble des acteurs.

Bien souvent, de vraies bonnes idées (stratégie, produit ou service correspondant à un vrai besoin) sont réduites à néant par défaut de méthode. Les errances dans le pilotage ne permettent jamais l’implication positive de l’ensemble des acteurs concernés : le doute et les incompréhensions génèrent naturellement une forte résistance du corps social à toute innovation.

Il est stratégique de bien choisir avec qui initier un projet de percée : cf les "pragmatiques du changement" (Mallein, 2001)

Au delà d’une « méthode », il s’agit surtout d’une attitude / d’une posture  :
La création collective de valeur s’inscrit dans des règles implicites (psychologie, sociologie, économie...) qui impliquent l’humain dans toutes ses dimensions (affective, cognitive, conative...).
Il appartient à chaque organisation de se définir, de créer et de maintenir un « écosystème » favorable à cette émergence.

La plus belle des victoires, c’est quand le combat n’a pas lieu !

Pour enclencher le cercle vertueux, il est nécessaire de replacer l’humain au cœur des
Technologies de l’Information et de la Communication

pour construire les
Technologies de l’Intelligence Collective ...


Source :
Heutte J. (2011) Piloter l’innovation de l’intérieur, 23e colloque de l’association pour le développement des méthodes d’évaluation en éducation (ADMEE) Europe "Évaluation et enseignement supérieur" (Paris (France), 12-14 janvier 2011)