Le paradoxe de l’épicurien (JANSSEN, 2005)

 mai 2006
par  Jean Heutte
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L’épicurisme est souvent associé à la détente et aux loisirs. Pourtant, une récente enquête révèle que la majorité des personnes éprouvent plus de satisfaction au travail que pendant leur temps libre. Paradoxal ?

Une vaste enquête menée par le psychologue américain Mihaly Csikszentmihalyi, auprès d’une centaine d’hommes et de femmes, interrogés à différents moments de la journée durant une semaine, révèle que la plupart des gens éprouvent davantage d’expériences positives au travail que pendant les périodes de loisirs. On se serait attendu au contraire. Et pourtant : au travail, les sujets interrogés se déclarent stimulés par des défis, heureux, créatifs et joyeux ; en revanche, durant leur temps libre, ils se sentent passifs, ils utilisent peu leurs capacités et ils sont insatisfaits. [...]

A la recherche de l’expérience optimale

Le fait que le travail soit vécu de manière plus satisfaisante que le temps des loisirs serait dû à la qualité différente des deux expériences. En effet, le travail répond davantage aux critères de ce que Mihaly Csikszentmihalyi appelle une « expérience optimale » ou un « état de flux ». Celui-ci se manifeste chaque fois que nous sommes engagés dans une activité qui nous paraît importante et avoir un sens, dont le but est bien défini, qui représente un certain défi et qui exige la mobilisation de nos capacités, de nos compétences et de notre concentration. Ainsi, absorbé par notre tâche, nous éprouvons une certaine aisance malgré les difficultés. L’expérience est gratifiante, elle participe à l’élaboration de notre identité, nous en retirons une certaine fierté.

Le corps, source de plaisir

Trois siècles avant notre ère, le philosophe grec Épicure affirmait dans son Jardin d’Athènes, que le plaisir des sensations constituait le principe du bonheur. Les sensations étant vécues dans le corps, c’est à travers lui qu’il est proposé de connaître la plénitude. Ici aussi, le concept de l’« expérience optimale » permet de comprendre comment naît le plaisir à travers les cinq sens, le mouvement et la fluidité du corps. Éduquer le goût, l’odorat, la vision. Développer sa curiosité, toucher, palper. Explorer sa sexualité. Danser, chanter, connaître la joie de dépasser ses limites corporelles.

L’épicurisme est un « état de flux »
à la portée de tous.

Il dépend des ressources internes de l’individu [...] : tout est une occasion de connaître le plaisir du « flux ».

Le bonheur se résume donc à vivre pleinement ses potentialités.

Un bon épicurien [...] s’investit à fond dans tout ce qu’il vit, il se choisit des buts et il relève des défis, car tout, y compris son travail, est une occasion de percevoir, de jouir, de vivre.


Source : Le paradoxe de l’épicurien (JANSSEN, 2005) http://www.thierryjanssen.com/artic...

Article paru dans La Libre Belgique en septembre 2005.

http://www.lalibre.be/free_dossiers...