La théorie de l’autodétemination (TAD) : un autre regard sur le climat motivationnel (Sarrazin, Tessier, Trouilloud, 2006)

 septembre 2008
par  Jean Heutte
popularité : 6%

Postulats théoriques

La théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan, 2002 ; voir Sarrazin et Trouilloud, 2006 pour une présentation de ces travaux en langue française) s’est imposée, ces dernières années, comme un cadre heuristique pour rendre compte des comportements des individus dans différents contextes dont l’école. Selon cette approche, différents types de motivation peuvent être repérés et classés en fonction de leur degré d’autodétermination (Deci & Ryan, 2000). Une motivation est dite « autodéterminée » quand l’activité est réalisée spontanément et par choix. À l’inverse, la motivation est « non autodéterminée » quand l’individu réalise une activité pour répondre à une pression externe ou interne, et qu’il cesse toute implication dès que celle-ci diminue.

En contexte scolaire, les élèves font preuve d’une motivation autodéterminée :
- quand ils s’engagent dans les tâches ou les matières scolaires pour des raisons intrinsèques à celle-ci, que ce soit pour le plaisir qu’ils ressentent en la pratiquant (les auteurs parlent de motivation intrinsèque aux sensations), pour le sentiment de maîtrise qu’ils en retirent (les auteurs parlent de motivation intrinsèque à l’accomplissement), ou pour la satisfaction d’apprendre quelque chose de nouveau (motivation intrinsèque à la connaissance) ;
- quand ils s’engagent dans les activités scolaires parce qu’ils les considèrent comme quelque chose de cohérent avec leurs valeurs et besoins (motivation extrinsèque intégrée) ;
- quand ils s’engagent dans des tâches scolaires qu’ils jugent importantes pour atteindre des buts personnels (motivation extrinsèque identifiée).

Par contraste, les élèves font preuve d’une motivation non-autodéterminée :
- lorsqu’ils s’engagent dans une activité scolaire parce qu’ils s’y sentent obligés, généralement par des récompenses ou des contraintes matérielles et sociales (régulation externe) ;
- mais également à cause de pressions internes comme la culpabilité (régulation introjectée) ;
- ou lorsqu’ils sont résignés et ne perçoivent aucun lien entre leurs actions et leurs résultats (l’a-motivation).

En résumé, la TAD présume l’existence de six types différents de motivation qui sont plus ou moins autodéterminés. La motivation intrinsèque représente le niveau le plus autodéterminé, alors que l’a-motivation est la forme la moins autodéterminée. Les régulations « intégrée », « identifiée », « introjectée », et « externe » se situent entre ces deux extrêmes (Ryan & Deci, 2000 ; Vallerand, 1997), la régulation identifiée représentant le « seuil » de l’autodétermination (voir la figure 1).

Selon la TAD, les différents types de motivation ont des conséquences cognitives, affectives et comportementales spéfiques. En contexte scolaire, plusieurs études (pour une revue de littérature voir Reeve, 2002 ; Ryan & Deci, 2000 ; Sarrazin & Trouilloud, 2006) ont montré que les formes de motivation les plus autodéterminées étaient associées à des conséquences éducatives positives (attention, plaisir, persistance dans l’apprentissage, performances élevées), alors que les formes les moins autodéterminées avaient des conséquences négatives (abandon précoce, choix de tâches inadaptées à leur niveau, faibles perfor mances). Dès lors, si la motivation autodéterminée favorise l’implication des élèves en classe, la question critique est de savoir comment catalyser cette forme de motivation.

La théorie apporte des réponses à cette question en octroyant aux facteurs sociaux une influence considérable. Selon la TAD, les facteurs sociaux seraient à même de faciliter une motivation autodéterminée (ou non autodéterminée) en nourrissant ou au contraire entravant l’expression de trois besoins psychologiques fondamentaux : les besoins de compétence (le désir d’interagir efficacement avec l’environnement), d’autonomie (le désir d’être à l’origine de son propre comportement), et de proximité sociale (le désir d’être connecté socialement avec des personnes qui nous sont significatives). Tout environnement social qui permettrait la satisfaction de ces trois besoins, catalyserait en retour une motivation autodéterminée. Par contraste, tout environnement social qui entraverait l’expression de ces trois besoins, augmenterait la probabilité d’apparition d’une motivation non-autodéterminée.

[...]

Comment catalyser une motivation autodéterminée ?

La théorie apporte des réponses à cette question en octroyant aux facteurs sociaux une influence considérable. Selon la TAD, les facteurs sociaux seraient à même de faciliter une motivation autodéterminée (ou non autodéterminée) en nourrissant ou au contraire entravant l’expression de trois besoins psychologiques fondamentaux : les besoins de compétence, d’autonomie, et de proximité sociale.

La compétence est le besoin d’interagir efficacement avec l’environnement en exerçant ses capacités et en contrôlant les éléments qui conduisent au succès dans une tâche qui représente un défi (Deci, 1975). Par conséquent, le comportement émane du besoin de compétence quand l’élève recherche et persiste dans une tâche dont la difficulté est adaptée à ses capacités, et quand il démontre de l’intérêt pour tester, s’informer sur, développer, étendre, évaluer ses capacités, habiletés et ressources (Reeve, Deci & Ryan, 2004).

L’autonomie est le besoin psychologique qui pousse l’individu à être à l’origine de son propre comportement, à le réguler lui-même, plutôt que d’être contrôlé par une force ou une pression qu’elle soit externe ou interne (Deci & Ryan, 1985). Le comportement d’un élève est alors autonome ou autodéterminé lorsqu’il est en adéquation avec ses propres ressources (e.g., ses centres d’intérêt, ses valeurs). Dans ce cas, il perçoit un locus interne de causalité, ressent un sentiment élevé de liberté, une faible pression et perçoit qu’il a le choix de s’engager ou de ne pas s’engager dans une action donnée (Reeve, 2002).

La proximité sociale est le besoin de se sentir connecté avec d’autres personnes de son environnement social, d’accorder et/ou de recevoir de l’attention de la part de personnes significatives pour soi, et d’appartenir à une communauté ou un groupe social (Baumeister & Leary, 1995 ; Deci & Ryan, 1991). Le besoin de proximité sociale pousse l’élève à entrer dans une relation authentique avec les personnes par lesquelles il se sent concerné et qu’il respecte (Reeve, Deci & Ryan, 2004).

Tout environnement social qui permettrait la satisfaction de ces trois besoins catalyserait en retour une motivation autodéterminée, ce qui augmente la propension d’un apprentissage durable et de performances accrues (Deci & Ryan, 1985). Par contraste, tout environnement social qui entraverait l’expression de ces trois besoins, augmenterait la probabilité d’apparition d’une motivation non-autodéterminée.


Sources :
Sarrazin, Tessier, Trouilloud (2006) Climat motivationnel instauré par l’enseignant et implication des élèves en classe : l’état des recherches, Revue française de pédagogie, n° 157, octobre-novembre-décembre 2006, 147-177

Tessier (2006) Le climat motivationnel en education physique et sportive : étude des antécedents des comportements controlants de l’enseignant et formation au soutien des besoins psychologiques des eleves, thèse de doctorat STAPS, Université Joseph Fourier