Le management par la qualité dans les services publics européens : un lame de fond qui progresse depuis près d’une génération (Heutte, 2008)

 juillet 2008
par  Jean Heutte
popularité : 2%

« Né voici près d’un siècle dans la sphère de l’entreprise, le mouvement de la qualité s’est étendu aux administrations depuis plus de vingt ans dans nombre de pays avancés. Le nôtre n’a pas fait exception, et presque tous les gouvernements qui se sont succédé depuis la fin de la décennie 1980 se sont exprimés ou ont pris des initiatives dans ce sens. » Rapport Cannas, 2004.

Quels qu’en soient les modèles, trois approches sont généralement observées :
- Le modèle TQM ("Total Quality Management" ou en français "Management par la qualité totale") Le TQM est un système qui permet aux organisations qui s’y engagent de démarrer des démarches formalisées d’amélioration continue de la qualité. Pour ceci, elles ont à leur disposition des référentiels d’auto-évaluation reposant sur des modèles (dans le cadre du CAF , ou du modèle de l’EFQM , par exemple). Le TQM ne permet pas d’obtenir une certification (comme c’est le cas des normes de la série ISO 9000 et de la certification de services) mais les entreprises peuvent concourir pour l’obtention d’un prix qualité (prix Deming , prix Malcom Balridge , prix français de la qualité et de la performance , le prix de l’EFQM …) qui permet de distinguer les démarches les plus méritantes.

- La certification selon les normes de la famille ISO 9000
La famille des normes ISO 9000 correspond à un ensemble de référentiels de bonnes pratiques de management en matière de qualité, portés par l’organisme international de standardisation (ISO, International Organisation for Standardization). Les normes ISO 9000 ont été originalement écrites en 1987, puis elles ont été révisées en 1994 et à nouveau en 2000. Ainsi, la norme ISO 9001:2000 porte essentiellement sur les processus permettant de réaliser un service ou un produit alors que la norme ISO 9001:1994 était essentiellement centrée sur le produit lui-même.
Les Normes internationales révisées qui forment le noyau de la famille ISO 9000, publiées le 15 décembre 2000, traitent du "management qualité" : ce terme recouvrant tout ce que l’organisme réalise pour améliorer la satisfaction des clients en répondant à leurs exigences et aux exigences réglementaires applicables.
Dans ce cadre, la certification implique l’identification et la compréhension des processus de l’organisation. Cette démarche implique également que ces processus soient mis « sous contrôle » à travers la connaissance et le suivi d’un ensemble d’indicateurs de qualité des processus, qui constituent un tableau de bord qualité de l’organisation. La "certification " se rapporte à l’octroi d’une assurance écrite (le certificat) par un organisme indépendant et extérieur qui a audité le système de management de l’organisme et a vérifié qu’il est conforme aux exigences spécifiées dans la norme.

- La certification de services La certification des services consiste à certifier des engagements concernant la qualité du produit ou des services proposés par une entreprise vis-à-vis de ses clients. Les engagements sont consignés dans un référentiel sectoriel ou particulier à l’activité. Ils sont examinés par un tiers de confiance (organisme certificateur) indépendant et accrédité, qui se porte garant des engagements de l’organisme vis-à-vis des clients.

En France, une prise de conscience plus « progressive »...

Lancé en 1992 par le Mouvement Français pour la Qualité (MFQ) et le Ministre chargé de l’Industrie, le Prix Français de la Qualité et de la Performance (PFQP) reconnaît les efforts accomplis en matière de Management par la Qualité par les acteurs économiques français. Parmi les services publics, la Direction des Routes du Ministère de l’Equipement est certainement celle qui s’est engagée dans la mise en place de la démarche qualité pour toutes les phases conduisant à la mise en service d’un ouvrage, de la commande du maître d’ouvrage jusqu’à la réception de l’ouvrage. Dès 1992, cette démarche qualité concernait tous les partenaires, maîtres d’ouvrages, maîtres d’œuvre, entreprises, fournisseurs et leurs prestataires de service, laboratoires et bureaux d’études.
Plus globalement, l’initiative du mouvement français pour la qualité des services publics est généralement attribuée à Bertrand de Quatrebarbes (1995). Le projet « France Qualité Publique » trouvera un soutient plus concret à l’issue du comité interministériel à la réforme de l’Etat d’octobre 2000 qui demandait à chaque ministère de définir, dans les deux mois, les axes prioritaires de sa politique de qualité.
Lors de différents bilans ou comités interministériels, dès cette époque, il ressortait notamment dans de nombreux ministères : − le développement des projets stratégiques et des démarches qualité, − la volonté d’améliorer le pilotage des services déconcentrés ainsi que de favoriser le décloisonnement entre les structures, − les initiatives prises pour développer le contrôle de gestion, − la prise en compte des TIC comme instrument de modernisation interne et externe.
Les premières initiatives aboutissant à des certifications ont été observées dans des services déconcentrés, par exemple, les directions régionales des impôts, de la jeunesse et du sport, ou la direction générale de l’armement du ministère de la défense qui a progressivement obtenue la certification ISO 9001 de chacune de ses entités depuis 2001 (la DGA est globalement certifiée ISO 9001 depuis octobre 2006), depuis 2002, le ministère de la défense a imposé à ses différentes entités (air, terre, mer) de s’engager dans des démarches qualité structurées
Historiquement, la première composante d’une administration centrale d’un ministère à obtenir une certification ISO 9001 était la DGTPE/UBI FRANCE, l’Agence française pour le développement international des entreprises du Ministère des finances. En 2003, cette certification constituait une première mondiale.
Depuis 2005, en France, la Charte Marianne est une charte d’engagements pour un meilleur accueil dans les administrations. C’est un outil important de promotion de la culture de l’accueil et de la qualité dans les services de l’Etat. Des évolutions sont actuellement en cours pour la définition d’un label « Marianne », dont l’attribution sera faite par un organisme indépendant.

Qualité et TIC : un lien stratégique

Dès 2001, le rapport annuel de la fonction publique de l’État souligne « que les technologies de l’information et de la communication (TIC), qui sont au même titre que les démarches qualité des outils de mise en œuvre de la stratégie, constituent le support de nombreuses actions proposées dans le cadre de ces déclarations de politique qualité. (exemples du secrétariat d’État à l’outre-mer ou du ministère des affaires étrangères) », le rapport Cannac (2004) souligne lui aussi que « les progrès récents et futurs les plus significatifs sur la qualité de service sont liés à l’utilisation des TIC »
Dans toute la fonction publique, les aspects les plus visibles de l’amélioration du service rendu aux citoyens s’observent par le développement des services en ligne : progressivement, tous les ministères s’impliquent dans ces démarches qui la plupart du temps imposent de nombreuses évolutions des modes de travail des personnels et d’organisation des services.

Management par la qualité : le ministère de l’éducation en progression depuis 2003.

Depuis la constitution du réseau interministériel des modernisateurs (2000) dont l’objectif était d’impulser et de fédérer dans tous les ministères le management par la qualité, plusieurs bilans des démarches qualité dans les administrations de l’Etat ont été réalisés. De nombreux ministères se sont fortement impliqués dans ces démarches, cependant, mis à part une initiative, sous la forme d’un plan d’action qualité au ministère de la Recherche en 2004 (qui n’avait abouti à une certification), comme le signalait le rapport Cannac (2004), jusqu’à lors, notre ministère était régulièrement cité comme appartenant au groupe des « ministères où la qualité semble demeurer un enjeu mineur de modernisation ».
La commission Cannac, n’avait malheureusement eu connaissance de la démarche impulsée dès septembre 2003, par la création du programme « Qualité, veille et diffusion », afin d’optimiser le fonctionnement général de la SDTICE, puis du lancement du projet « management par la Qualité » en avril 2004, qui peuvent être considérés comme exemplaires. En effet, la certification du système de management qualité de la SDTICE selon la norme ISO 9001 (en mai 2007) est une reconnaissance, à valeur internationale, qui constitue une « première » pour l’administration centrale du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
La démarche de la SDTICE s’est trouvée confortée par la création du bureau de la qualité, des méthodes et des outils, suite à la réorganisation de l’administration centrale et la mise en place du service des technologies et des systèmes d’information (STSI) en mai 2006. Depuis, la volonté d’une amélioration progressive s’est concrétisée notamment par la mise en place du comité qualité du STSI en avril 2007. Cette volonté s’est encore affirmée davantage suite à l’engagement de Gilles Fournier pour une politique qualité globale, au sein du STSI, en août 2007. L’implication des services centraux et de nombreux responsables en académie a permis la définition de quelques projets de percée notamment dans le domaine des projets de développement d’applications en référence au modèle CMMi et dans celui des services d’exploitation et d’assistance aux utilisateurs qui s’appuie sur les référentiels ITIL. En parallèle, un groupe de travail étudie les modalités de mise en œuvre du contrôle de gestion des processus supports des technologies et des systèmes d’information.
La démarche du STSI s’insère dans une réflexion globale qui intéresse un nombre croissant de ministères. Ainsi, le STSI a-t-il été invité pour intervenir à l’occasion de la convention « management par la qualité », organisée le 5 juin 2008 par le secrétariat général de l’administration du ministère de la défense. Cette convention réunira des experts "qualité" venant du ministère de la défense, d’autres ministères (ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, ministère de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, ministère l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, ministère Budget, des comptes publics et de la fonction publique), ou établissements publics pour un partage d’expériences, afin de pouvoir favoriser la généralisation des ces démarches


Source :
Heutte (2008) Le management par la qualité dans les services publics européens : un lame de fond qui progresse depuis près d’une génération

mAg 3 "Spécial Qualité" n° 18 (printemps / été 2008) http://www.orion.education.fr/