Le soutien à l’autonomie dans les établissements d’enseignement. (Deci, Ryan, Richard, 2008)

 avril 2008
par  Jean Heutte
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Le climat des relations interpersonnelles dans une classe peut soit favoriser l’autonomie, soit être contraignant : cela dépend de divers facteurs, et parmi ceux-ci, l’orientation du professeur est le plus important. Certains enseignants pensent que leur rôle consiste à s’assurer que les élèves font les choses correctement, à leur faire comprendre qu’ils doivent agir comme on le leur demande et à utiliser les contraintes nécessaires pour qu’ils le fassent. D’autres cependant croient qu’il importe que les élèves puissent prendre des initiatives, apprendre de leurs succès comme de leurs erreurs et qu’ils essaient de résoudre des problèmes par et pour eux-mêmes plutôt que d’attendre que le professeur leur indique quoi faire. Au début d’une année scolaire, Deci et al. (1981) ont évalué dans des classes de la quatrième à la sixième année pour déterminer dans quelle mesure les enseignants utilisaient une approche axée sur les contraintes ou, plutôt, une approche qui favorisait l’autonomie des élèves. Deux mois plus tard, les chercheurs ont évalué le niveau de motivation intrinsèque des élèves, leur compétence perçue et leur estime de soi. Ils ont constaté que, dans les classes où les enseignants encourageaient l’autonomie, la motivation intrinsèque des élèves étaient beaucoup plus marquée - ils étaient plus curieux, préféraient les défis et faisaient des efforts de maîtrise indépendants. De plus, ils se sentaient plus compétents lorsqu’ils faisaient leurs travaux scolaires et présentaient une meilleure estime de soi. Une étude menée par Chirkov et Ryan (2001) a montré que les enseignants qui favorisaient l’autonomie, autant en Russie qu’aux États-Unis, facilitaient grandement chez leurs élèves l’intériorisation de la motivation pour les travaux scolaires, une meilleure adaptation et un sentiment de bien-être.

Dans les recherches menées par Vansteenkiste et al. (2004), on créa un encadrement qui combinait des buts intrinsèques et extrinsèques et on adopta deux styles de communication : l’un favorisait l’autonomie, et l’autre était plus contraignant. Le style propice à l’autonomie a permis un meilleur apprentissage et a produit de meilleurs résultats que le style axé sur le contrôle. Cet effet dominant a persisté même en tenant compte qu’un but d’origine intrinsèque conduit à un meilleur apprentissage et donne de meilleurs résultats qu’un but d’origine extrinsèque. Finalement, les variables que constituent l’encadrement selon les buts et le style de communication interagissent de telle sorte que les personnes auxquelles on donne des objectifs d’origine intrinsèque, selon une approche qui favorise l’autonomie, atteignent un niveau rarement aussi élevé parmi les résultats variables.

Étant donné que les études menées par Ben ware et Deci (1984, Grolnick et Ryan (1987), et Vansteenkiste et al. (2004) ont souligné l’importance d’une régulation autodéterminée et des buts intrinsèquement motivés pour que les élèves puissent mieux apprendre, obtenir de meilleurs résultats et jouir d’une bonne santé mentale, on ne saurait exagérer le rôle déterminant que joue le soutien à l’autonomie prodigué par les enseignants et les classes.

À la lumière de ce qui précède, les résultats d’une recherche menée par Sheldon et Krieger (2007) sont troublants en ce qui concerne l’enseignement dans les facultés de droit. Ces chercheurs ont découvert que, durant leurs trois années d’études, les étudiants ont affiché un baisse du taux de satisfaction à l’égard de leur bien-être général et de leurs besoins fondamentaux, ce qui suggère que l’ambiance des relations interpersonnelles dans la plupart des facultés de droit ne favorise pas tellement l’autonomie. Néanmoins, les étudiants qui, dans le même contexte, recevaient d’autres membres du corps professoral plus d’encouragement à être autonomes n’éprouvaient pas la même baisse du taux d’insatisfaction, et ceux qui recevaient plus d’encouragement à être autonomes de la part du corps enseignant obtenaient de plus hautes moyennes et avaient plus de chance de réussir l’examen du barreau.

De la même façon, on a établi lors de nombreuses études, que le soutien à l’autonomie s’est aussi avéré très important dans les facultés de médecine (Williams et Deci, 1998). Par exemple, William, Saizow, Ross et Deci (1997) ont révélé que les cotes d’évaluation attribuées par les étudiants en médecine à leurs précepteurs, relativement au soutien à l’autonomie qu’ils en avaient reçu lors de leurs différentes affectations médicales, étaient de près liées à leur choix de spécialité pour leur résidence. Si un étudiant percevait que le précepteur responsable, par exemple, de la chirurgie, encourageait fortement l’autonomie, cela augmentait les possibilités que cet étudiant choisisse la chirurgie pour sa formation ultérieure.

Les répercussions de la TAD sur les orientations pédagogiques et les pratiques scolaires sont multiples (voir Ryan et Brown, 2005). En particulier, les pratiques et les orientations qui visent à motiver les études par une approche axée sur les punitions, les récompenses, les évaluations et toutes autres manipulations externes minent la qualité de l’engagement, contrairement à celles qui nourrissent l’intérêt, la valeur et la volition et qui engendrent une persistance accrue et un apprentissage de meilleure qualité.

... Conclusion

La théorie de l’autodétermination établit une distinction entre la motivation autonome (qui comprend la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque bien intériorisée) et la motivation contrôlée (qui comprend la régulation externe et la régulation introjectée). Il a été déterminé que la motivation autonome présentait divers avantages en termes de performance, en particulier en ce qui a trait aux tâches heuristiques, à la santé mentale et au développement sain. Il a de plus été constaté que les gens dont les besoins psychologiques fondamentaux d’autonomie, de compétence et d’appartenance étaient satisfaits témoignaient de façon plus évidente d’une motivation autodéterminée. Ces éléments de la théorie d’autodétermination ont été examinés dans le cadre de plusieurs études sur le terrain et dans divers milieux de vie. Nous avons recensé des études dans les domaines de l’éducation, du parentage, du travail, des soins de santé, de l’amitié, des sports, et avons constaté dans chaque cas que le soutien à l’autonomie des personnes importantes pour soi avait un effet positif sur la motivation, le rendement et le bien-être des individus qui en étaient l’objet. Les recherches de la TAD dans divers autres domaines, incluant le monde virtuel, la protection de l’environnement, la politique, la religion, la psychopathologie et la psychothérapie ont toutes indiqué qu’il est très important que les individus puissent expérimenter l’autonomie, la compétence et l’appartenance sociale, car il s’agit d’un facteur déterminant pour un rendement efficace, une bonne santé mentale et un sentiment d’accomplissement.


Source :
Deci, Ryan, Richard (2008) Facilitating Optimal Motivation and Psychological Well-Being Across Life’s Domains Canadian Psychology, Feb 2008 by Deci, Edward L, Ryan, Richard M

in french à partir de là !!! http://findarticles.com/p/articles/...