Communautés virtuelles : Ecosystèmes favorables au développement d’Homo sapiens retiolus

 janvier 2006
par  Jean Heutte
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« Les communautés et sociétés humaines vivent dans un environnement auquel elles s’adaptent et qui réagit sur elles. L’étude de ce processus complexe qui met en jeu les systèmes technologiques et l’organisation sociale, est l’objet de l’écologie » (Golfin, 1972). Reprenant l’appel de Philippe Carré « pour une écologie de l’apprenance », insistant comme lui sur le fait qu’il s’agit-là d’une « expression métaphorique », destinée à « souligner l’importance sociale et éducative de la qualité des environnements de formation, dans une logique de développement de l’apprenance sous toutes ses formes » (Carré, 2005, p186).

Écosystème : Unité fondamentale d’étude de l’écologie composée de l’association formée des communautés des espèces vivantes (biocénose) et d’un environnement physique (biotope) en interaction permanente.
(Petit Larousse illustré)

Les communautés : écosystèmes privilégiés de l’apprenance ?

Selon Wenger, les communautés sont des organismes auto-gérés, dotées d’une identité sociale propre, elles partagent des codes de communication communs (vocabulaire, habitudes, etc.). Elles utilisent sans état d’âme les canaux de communication qui sont à leur disposition pour véhiculer les informations : ce peut être une discussion au cours d’une pause déjeuner, une coup de téléphone, une réunion, un outil de travail collaboratif, etc. (Six, 2003)
Ces mystérieuses entités sont dotées de leur propre système de régulation, de leurs propres leaders charismatiques, etc. Elles se constituent spontanément autour d’un centre d’intérêt commun, connaissent souvent des débuts difficiles. Pour qu’elle se développe et soit un lieu propice au partage des connaissances, il faut que la communauté puisse trouver de bonnes conditions d’épanouissement : Wenger insiste sur l’importance de la création d’une « atmosphère idéale » (Six, 2002).

Parmi les conditions évoquées certaines semblent avoir une importance évidente (Wenger, McDermott & Snyder, 2002 cités par Tramblay, 2003) :
- le rôle de l’animateur ou du leader de la communauté,
- l’intérêt et la motivation des individus à travailler ensemble ,
- le soutien et des ressources mises à disposition par l’organisation responsable de la communauté ou l’employeur,
- le soutien et la légitimité accordés à la communauté par le supérieur immédiat,
- les reconnaissances offertes sous forme monétaire ou non monétaire

Tramblay identifie trois conditions indispensables pour qu’une communauté représente un moyen valable de développer les apprentissages par l’échange et les interactions entre pairs. Selon elle, il faut que :
- le projet ou l’objet de la communauté suscite l’engagement conjoint des participants ;
- ceux-ci aient à la fois confiance en eux-mêmes et en leurs collègues pour contribuer activement aux échanges ;
- ils disposent de suffisamment de temps (idéalement sur le temps de travail, si l’objet d’apprentissage est lié à l’activité professionnelle) afin de contribuer et de faire des apprentissages significatifs.

Bien qu’il joue un rôle dans la performance collective, notre expérience personnelle nous laisse à penser que le facteur temps n’est pas le frein le plus important (le temps serait plutôt un prétexte...) : selon l’enjeu/intérêt, les membres contributeurs actifs d’une comunauté ont généralement une perception altérée du temps... (c.f. le "Flow" (Csikszentmihalyi 1990))


Sources :

CARRÉ P. (2005), L’apprenance : vers un nouveau rapport au savoir, Dunod

CSIKSZENTMIHALYI, M. (1990) Flow, the Psychology of Optimal Experience, New York, Harper and Row.

DRUCKER P. (1975). Managing the Knowledge Worker, Wall Street Journal, Nov. 7

DRUCKER P. (1993). Post-capitalist Society, Butterworth-Heinemann, Oxford

FORSYTH D. R. (1990), Group Dynamics, Pacific Grove

GODBOUT J. - T. (2000). Le Don, la dette et l’identité : Homo donator vs. Homo œconomicus, La Découverte, Paris.

GOLFIN J. (1972). Les 50 mots-cles de la sociologie, Privat, Toulouse.

LEVY P. (1994) L’intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberespace , La Découverte, Paris,

SIX N. (2003). Communautés de pratique : un partage des connaissances idéal Journal du Net (6 janvier 2003). http://solutions.journaldunet.com/0...

THALER R. (2000) Homo oeconomicus, sociologicus...ou sapiens ?, L’avenir incertain de l’homo œconomicus Problèmes économiques n°2.670, 21 juin 2000.

TREMBLAY D.-G., 2003, Les communautés virtuelles de praticiens : vers de nouveaux modes d’apprentissage et de création de connaissances ? http://www.teluq.uquebec.ca/chairee...