La dernière lutte des classes : les primaires sont moins payés car ils le valent bien ???

 octobre 2011
par  Jean Heutte
popularité : 3%

En France, l’une des dernières lutte des classes bien est celle qui oppose les enseignants du 1er degré à ceux du 2nd degré : les primaires, ces incapables prétentieux (Isambert-Jamati, 1985) n’ont en fait pas droit au même traitement que les "nobles" enseignants du secondaire.

Depuis 1990, les professeurs des écoles sont recrutés au même niveau que celui des professeurs certifiés (niveau licence puis master depuis la récente réforme de la formation). Cette revalorisation affichait l’ambition d’une unification des corps d’enseignement 1er et 2nd degré et d’une égale reconnaissance du métier d’enseignant. Vingt ans après, où en est- on ?

Le salaire de base

Personnels de catégorie A de la fonction publique (recrutés au minimum à bac+3), le déroulement de carrière est identique et le traitement de base est calculé à partir de la valeur du point d’indice pour les professeurs certifiés (2nd degré), les professeurs des écoles et les attachés d’administration.

- Début de carrière : indice 410 (1 579,51 € nets) ;
- Dernier échelon de la classe normale : indice 658 (2 534,92 € nets) ;
- Dernier échelon Hors classe : indice 783 (3 016,47 € nets).

La grille complète des salaires des enseignants des écoles sur le site du SNUipp-FSU : http://www.snuipp.fr/Grille-des-salaires-au-01-01-2011

Rémunération globale moyenne des enseignants :
- 1er degré : 1900 € avec une rémunération des débuts de carrière inférieure à 1600 € ;
- 2nd degré : 2700 € avec de fortes disparités (de 1 600 à plus de 5 000 €).

La différence de rémunération entre enseignants du second degré et du premier degré s’explique par :
- Les primes et la part des heures supplémentaires ;
- La proportion plus importante d’enseignants du second degré qui accèdent à la hors-classe (voir départs à la retraite).

Les primes, indemnités et heures supplémentaires
Dans l’ensemble de la fonction publique d’Etat, elles représentent 24 % de la rémunération globale.
- Taux de prime des cadres non enseignants de l’Etat : 53 % ;
- Taux de prime des enseignants du premier degré : 5 % ;
- Taux de prime des enseignants du second degré : 10 % à 15%.

Source : DGAFP – faits et chiffres 2009-2010

Les indemnités
- L’indemnité ZEP (zone d’éducation prioritaire) bénéficie aux professeurs du 1er et 2nd degré, affectés dans ces zones. Son montant est de 96,30 € par mois.
- L’ISSR (Indemnité de sujétion spéciale de remplacement) bénéficie aux professeurs du 1er et 2nd degré qui effectuent des remplacements (soit 7% des enseignants). Elle se calcule selon un barème kilométrique et s’applique aux jours effectifs de remplacement. Elle représente 15 % des indemnités versées dans le premier degré.
- L’indemnité de direction d’école bénéficie aux professeurs du 1er degré assurant des fonctions de direction. Elle se décompose en une part principale de 1 295,62 € par an et d’une part variable suivant la taille de l’école :
— 200 € par an pour la direction d’une école de 1 à 4 classes ;
— 400 € par an pour la direction d’une école de 5 à 9 classes ;
— 600 € par an pour la direction d’une école de 10 classes et plus.
Cette indemnité est majorée de 20% quand l’école se situe en ZEP.

- L’ISOE (indemnité de suivi et d’orientation des élèves) est perçue par les enseignants du 2nd degré. Elle représente à elle seule, plus de la moitié des indemnités versées aux professeurs du 2nd degré (645 M€ sur les 1239 M€ d’indemnités du programme enseignement scolaire public du second degré au budget 2011). Elle se compose d’une part fixe (99,93 € par mois) versée à tous les professeurs et d’une part modulable versée aux seuls professeurs principaux (266 000 professeurs principaux) (de 74,62 € à 117,41 €).

Les heures supplémentaires
Dans le 1er degré, les 320 000 heures supplémentaires se chiffrent à 49,1 M€, soit 0,27 % de la masse salariale.

Le nombre d’heures supplémentaires effectués par les enseignants du 2nd degré représente plus de 6 millions d’heures (HSE et HSA) et se chiffre à 1,076 Md€, soit 3,67 % de la masse salariale.

Ces heures supplémentaires effectives ne sont pas rémunérées au même taux selon les corps :
- Le taux horaire est de 24,28 € pour un professeur des écoles classe normale (stage de remise à niveau ou accompagnement éducatif…)
- Le taux horaire est de 37,36 € pour un professeur certifié classe normale.

Départ en retraite

En 2010, 31,8% des enseignants du premier degré sont partis à la retraite au 10ème échelon du corps des PE (qui en compte 11), 25,3% avaient atteint la hors classe et seulement 3,9% le dernier échelon de la hors classe, alors que 72,8% des enseignants du 2nd degré partant en retraite sont à la hors classe et 49,1% au dernier échelon de la hors classe.

Primaires, incapables et prétentieux (Isambert-Jamati, 1985), vous pouvez remercier tous ceux qui solidairement s’agrègent (Lelièvre, 2009 ; Aubin [1], 2011) pour que le salaire du maître d’école ne décolle pas : cela est réservé à des professeurs plus nobles que vous.


Source :

Obin, J.-P. (2011) Être enseignant aujourd’hui, Hachette Education

Isambert-Jamati, V. (1985) Les primaires, ces "incapables prétentieux". In : Revue française de pédagogie. Volume 73 N°1, 1985. pp. 57-65. http://www.persee.fr/web/revues/hom...

Lelièvre C. (2009) L’axe central du contexte historique de la formation des enseignants en question, Carrefours de l’éducation 2/2009 (n° 28), p. 189-198. http://jean.heutte.free.fr/spip.php...

Se-Unsa (2011) L’Isoe pour les PE : une juste reconnaissance http://www.se-unsa.org/spip.php?article3726

SNUIPP (2011) REVALORISATION : Même métier, même dignité ? http://59.snuipp.fr/spip.php?article1203


[1] "Je dénonce une triple alliance : l’électorat de droite qui veut un collège propédeutique du lycée, lui même propédeutique des classes préparatoires, un syndicat majoritaire (le Snes) qui considère que la formation académique du plus haut niveau est celle qui correspond aux intérêts des professeurs et milite contre des masters professionnels, et les lobbys disciplinaires qui demandent les programmes et les horaires les plus ambitieux. Cette alliance ne s’est jamais démentie depuis 1975", Jean-Pierre Obin, IGEN honnoraire, déclaration à l’AEF le 8 septembre 2011